Village immatériel [Terminé]

Quand elle s’était réveillée, c’était dans un bâtiment désaffecté. Ses habits étaient étrangement propres, mais elle remarqua cependant des traces aux niveaux de ses avant-bras. Elle avait été piquée. Un peu plus loin d’elle, elle avait retrouvait son éventail, mais sa faux manquait à l’appel. Elle se sentait tout de même un nauséeuse, et le fait de ne pas avoir son arme fétiche avec elle renforçait son angoisse. Il ya quelques heures à peines, elle aurait jurée qu’elle était dans une ruelle, repartant à la chasse. Et pourtant … Oui, pourtant elle savait que quelque chose clochait. Cet homme, ces conversations, ces piqures … Il y avait quelque chose d’anormal. Elle décida de ne pas s’en formaliser, que pour l’instant, elle devait simplement sortir de là.

Elle sortit du bâtiment et vit une sorte de village abandonné. Elle chercha, résolument, obstinément, quelqu’un à qui elle pourrait demander des renseignements, mais elle ne trouva personne. Absolument personne. Elle remarqua cependant que par de-là le village, se trouvait une épaisse forêt. Elle aurait bien voulu y aller mais … Non. Elle était sûre et certaine qu’ici, elle trouverait peut être des indices pour savoir où elle se trouvait.

Elle fouilla le village en long, en large et en travers, mais ne trouva même pas d’indices. Son angoisse avait légèrement baissé, mais était toujours présente. Le soleil était haut dans le ciel, signe qu’il devait être midi passé. Elle n’avait pas faim. Aussi étrange que cela puisse paraître, à ces heures-ci, elle avait toujours un petit creux. A croire que son angoisse avait remplacé son envie de manger.

Elle passa devant une vieille bâtisse qui semblait sur le point de s’écrouler. Manque de chance pour elle, pile au moment ou elle passa, un des murs tomba littéralement sur elle. S’apprêtant à recevoir un coup et à avoir de nombreuses fractures, elle se mit en position de défense, ses deux bras devant sa tête. Quelques secondes après, sentant qu’elle n’avait pas mal, elle rouvrit les yeux pour voir que le mur l’avait traversé. Choqué, elle sortit ses pieds qui étaient en ce moment dans le mur et sortit son éventail. Elle pouvait le toucher, elle n’était donc pas morte.

Elle sentit une présence derrière elle mais ne vit rien. Elle déploya son éventail, signe qu’au moindre mouvement suspect elle n’hésitera pas a attaqué.

Midi passé ... C'était l'heure qu'indiquait l'astre diurne ... Décidément, sa transformation lui avait privé des besoins vitaux d'un être humain ... Aucune faim ni fatigue physique ! Masaki se sentait vide, comme inexistant. Après tout, il ne mangeait pas, il ne dormait pas, il ne faisait que nuire à des personnes qu'il ne connaissait même pas ... Cela ressemblait à sa vie précédente, tachée de sang tout comme ses mains et ses vêtements. D'ailleurs, "grâce" à ça, il avait appris une technique pour détacher plus facilement le tissu. Le laisser toute une nuit à tremper dans une bassine d'eau glacée permettait un lavage plus aisé ! Même si ses domestiques étaient sensées s'occuper de ces tâches, donner une chemise pleine de sang à laver ... Autant dire "je suis un meurtrier !", ça aurait été tellement plus simple ...

Comme s'il avait eu le courage de le faire, quelle personne serait assez idiote pour se livrer à la police après avoir commis une multitude de crimes ? Une personne torturée par les remords possédant suffisamment de courage pour mettre un terme à cet enfer ... Une personne qui ne lui ressemblait pas en somme. Enfin, d'après lui évidemment. N'est-ce pas ridicule ? Certains humains sains d'esprits, dans des conditions beaucoup plus agréables, se pendent, se tirent une balle dans la tête, se jettent du haut du cinquième étage ... Tellement de façons de mourir, ça peut faire tourner la tête ! Se prendre une bonne dose d'électricité doit être aussi très amusant ... Malheureusement, les êtres humains ne sont dotés que d'une vie pour tester toutes ces façons de souffrir ! Sentir les différentes parties de son corps se détacher lentement doit donner des frissons ...

Rah la la, taper dans ce caillou du bout de la chaussure était tellement amusant ! Quelle puérilité, il en avait presque honte mais bon, ça l'occupait ... Oups, il frappa trop fort et le caillou fit un drôle de bruit en éclatant contre une chose dure ... Il n'avait pas spécialement envie de voir quelle chose avait entravé la route de son jouet mais un bruit sourd lui dit lever la tête. Un mur, son jouet en pierre avait explosé au contact du mur. Il n'était décidément pas solide et avait même laissé des traces blanches sur les chaussures noires du jeune homme. Le mur qui avait obstrué la route de la pierre était tombé en un bref vacarme. Quelques nuages de poussière s'élevèrent et le firent tousser quelque peu.

Il distingua une jeune fille à travers les quelques restes qui flottaient encore dans l'air. Malgré le fait que ses yeux pleurèrent quelques larmes, il aperçut le mur traversant les pieds de la dite jeune fille. D'abord, comme toute personne encore quelque peu sensée, il se demanda comment ce fut possible, peut être une race qui était visible mais immatérielle ... Ou bien un pouvoir permettant de traverser les objets. Ils n'avait que ces réponses sans aucun moyen de les vérifier car, au fond, c'était légèrement la même chose ... Elle semblait surprise donc elle n'avait pas encore conscience de ses nouveaux pouvoirs. Elle sortit un éventail et s'éloigna du mur. Peut être fut-ce un choc d'avoir traversé ainsi un mur ...

Masaki tenta d'imaginer le fait de pouvoir traverser de tels objets, que pouvait-on bien voir pendant qu'on passe à travers ? Peut être voyait-on l'intérieur du dit objet ... Et pouvait-elle traverser des êtres humains, des animaux ou les sortes de choses qui étaient en liberté dans cette gigantesques prison ? De quels autres dons était-elle dotée ? Le seul moyen de le savoir serait de la voir les utiliser. Quel genre de personne pouvait-elle être ? Parce que le fait qu'elle soit une grande criminelle, comme tous sur cette île, ne signifiait pas grand chose. Il y avait une multitude de raison pour tuer entre autres, la défense, la vengeance, l'envie, le besoin, le désir de choses que possède la personne à tuer et la haine. Évidemment, être victime de manipulation étant tellement courant, on ne cite même plus ce cas devenu banal.

Un pied devant l'autre, il avançait, allez savoir pourquoi ... Après tout, aller vers une fille qui a traversé un mur était nettement plus intéressant que de lancer des craies un peu trop fort sur des murs un peu trop fragiles ... Savait-elle que c'était sa faute si elle aurait pu être écrasée ? Et pourquoi continuait-il d'avancer alors que son cœur, battant à cent à l'heure, allait se décrocher de sa poitrine ? Oh, quel beau sentiment, la peur ! Sauf qu'aucun danger n'était visible, mis à part l'éventail que la jeune fille avait déployé son éventail ... Ses jambes cessèrent de bouger, elles étaient plus droites que des piquets. Il n'arriva même pas à ouvrir la bouche pour dire quoique ce soit. Pourtant, son visage était complètement inexpressif ...

Elle avait entendu des bruits de pas derrière elle. Lentement, elle tourna la tête, quand elle sembla apercevoir quelque chose, son corps plus vif que jamais se retourna totalement. C’était un jeune homme avec des cheveux roux et un visage enfantin. Aussi étrange que cela puisse paraître, elle ne distinguait aucune âme. N’en avait-il pas ? Non, tout être ayant un corps vivant, devait avoir une âme, même si celle-ci devait être morte. Elle resserra son emprise sur son éventail et fronça les sourcils. Son visage inexpressif …. Il lui faisait froid dans le dos. Et ses yeux … Jamais elle n’en avait vu de pareil. Ils avaient l’air à la fois morts, mais semblaient aussi animé d’une vivacité hors norme. Il s’était arrêté d’avancer et ses jambes formaient de parfaits I. Elle avait l’étrange sensation qu’il était dangereux, mais elle ne pouvait se résoudre à l’attaquer. Non, elle ne pouvait pas attaquer un parfait inconnu comme ça… Surtout, oui, surtout si ce dit-inconnu possède, à quelques traits près, le visage de son défunt grand-frère. L’inconnu dont elle ne connaissait rien continuait de la fixer avec son visage impassible. Elle détourna le regard. C’était à cause de ce regard qu’il finissait par obtenir ce qu’il voulait. Elle ferma les yeux durant quelques minutes, se remémorant ce jour-là ….

C’était un jour d’hiver glacial. Une petite fille courait dans les couloirs d’un manoir. Elle s’arrêta devant une porte, respira un grand coup et entra. Elle s’arrêta dans la seconde qui suivit quand elle vit le visage de son grand-frère. Lui, si plein de vie, si joyeux, avait un visage impassible et des yeux vides. Elle s’approcha de lui et posa sa chaude main, sur celle, glacée de son frère.
-Grand-frère… Tu sais, demain c’est noël. Avec maman et papa, on avait prévu d’aller faire une sortie tous les quatre. Tu viendras avec nous, hein ?
Il enleva la main de sa sœur de la sienne et la fixa de ses yeux vides.
-Myaru. Plus rien n’est comme avant. Tout est fini. Demain, je partirais.
-Ah ? Et tu vas aller où ? Je pourrai venir avec toi, hein, dis Grand-frère ?
Elle avait une moue toute triste sur le visage.
-Non. Tu ne pourras pas venir avec moi. Tu vas rester ici, avec papa et maman.
Il continuer de la fixer avec son visage impassible.
-Va me chercher de l’eau s’il te plaît.
Elle détourna les yeux, impuissante de ne pas pouvoir soutenir ce regard.
-J’y vais, Grand-frère.
Elle partit chercher de l’eau et revint quelques minutes après un verre et une bouteille d’eau à la main.
-Tiens.
Il lui arracha des mains les objets d’une façon si agressive qu’elle s’était même reculée. Jamais, non, jamais son frère n’avait agi avec autant d’agressivité avec elle. Elle se rapprocha de lui et lui tira les oreilles.
-Tu ne dois pas être méchant avec moi ! Je suis ta petite sœur, je t’aime beaucoup, Grand-frère, et maman m’a dit que ce serait toi qui me protégerais si j’avais des problèmes ! Tu sais, je t’aime vraiment, beaucoup beaucoup tout plein !
Son frère avait écarquillé les yeux. Après ce monologue de la part de sa sœur, ses yeux s’étaient adoucis et sur son visage, on distinguait un sourire plein de tendresse et de bienveillance. Il ne put s’en empêcher et prit sa petite sœur dans ses bras.
-Merci. Merci Myaru. Vraiment. Moi aussi je t’aime très fort.
A entendre ces mots, et à son visage, elle sut qu’il était redevenu comme avant. Elle sourit et le serra elle aussi dans ses bras. Ils s’endormirent comme ça, l’un dans les bras de l’autre.
Le lendemain, elle se réveilla de bonne heure. Elle vit que son frère dormait encore et décida d’aller prendre son petit déjeuner. Après avoir mangé en compagnie de ses parents, elle rejoignit la chambre de son frère. Elle ouvrit les rideaux et volets, lui retira les couvertures, mais, n’ayant aucune réaction de sa part, elle s’avança vers le lit ou elle le secoua. A peine avait-elle effleuré sa peau, qu’elle remarqua qu’il était glacé. Pourtant, il avait toujours le sourire de la veille sur le visage, alors pourquoi ?
-Grand-frère, Grand-frère réveille toi ! S’il te plait réveille-toi !
Des larmes commencèrent à perler au coin de ses yeux. Etant très inquiète, elle décida d’appeler un médecin.
Le diagnostic était sans appel. Il était mort durant la nuit. Il était « parti » comme il avait prédit. Myaru, prenant conscience que son frère était désormais dans un endroit qu’il lui était impossible d’atteindre pleura, encore et encore durant des jours.
Le jour de l’enterrement, les seules paroles qu’elle put dire devant le cercueil rempli de roses, furent :
-Je t’aime et t’aimerai toujours … Grand-frère…

Elle sentit un liquide couler le long de ses joues. Elle se redressa, passa une main sur son visage et remarqua qu’elle pleurait. Elle regarda son vis-à-vis mais ne savait pas qu’elle émotion il avait adopté. Ses larmes l’empêchaient de voir correctement. Les souvenirs de son frère l’avaient vraiment trop ébranlée. Voilà qu’elle montrait déjà une de ses faiblesses à l’ennemi. Elle n’était vraiment pas dans son assiette. Elle s’effondra à terre et cria. Elle, d’un calme à toute épreuve, n’arrivait pas à se faire à cette situation. Elle se tenait le visage dans ses deux mains, ayant délaissé son éventail. Ses larmes coulaient abondamment. Cela faisait trop longtemps, trop de fois qu’elle les avait retenues. Désormais, il semblait que rien ne puisse les arrêter de sortir. Si ça se trouvait, elle allait mourir ici, maintenant, dans les minutes qui allaient suivre et des mains de cet homme dont elle ignorait tout. Mourir … Pour elle se n’était même pas envisageable, et pourtant …Oui, pourtant tout dépendrait de ce que le jeune homme allait faire…

Lentement la jeune fille avait tourné la tête, son corps suivant ce mouvement. Ses yeux semblaient scruter l'apparence du jeune homme qui ne bougea pas d'un pouce. Seule sa poitrine était légèrement soulevée par ses mouvements respiratoires. Elle resserra l'emprise qu'elle possédait sur son éventail et fronça les sourcils. Elle se méfiait, c'était plus qu'évident. Attitude plutôt normal pour une criminelle génétiquement modifiée. Que donnerait un combat entre ces deux protagonistes ? Surtout que lui ne possédait aucune arme et peu de contrôle sur ses aptitudes physiques. Il perdrait certainement cette confrontation donc il valait mieux qu'il soit très prudent quant à cette jeune fille.

Elle détourna le regard, peut être ne pouvait-elle pas supporter le regard vide qui appartenait à Masaki. Elle ferma les yeux et elle ne les rouvrit pas. Elle devait penser à quelque chose alors il attendit. Une minute, peut être deux et elle ne rouvrit pas ses yeux. Doucement, mesurant chaque pas, sentant la terre se tasser sous ses pieds, le jeune homme avançait. Son cœur battait très vite, comme celui d'un enfant volant sans la permission le dernier biscuit au chocolat. Il était curieux, il voulait tant savoir qui était cette demoiselle dont, d'ailleurs, il ne connaissait toujours pas le nom. Il s'arrêta devant elle et l'observa de ses grands yeux curieux.

A quoi pouvait-elle bien penser à cet instant précis ? Peut être le visage du jeune homme lui rappelait-elle quelqu'un ... Des souvenirs ... Qu'est-ce donc ? Des images, des sons, des odeurs, tous très certainement influencés par une vision très claire des faits. Après tout, ne se souvient-on point que des choses dont on veut se souvenir ? N'est-ce pas si simple d'arranger certains souvenirs, de répéter tant et tant de fois un mensonge qu'on finit par s'en convaincre ... Après tout, fermer les yeux sur certains actes en prétendant ne pas les avoir vu, n'est-ce point simple ? Au lieu de mentir, déformer la réalité à un tel point qu'elle n'est plus elle-même, n'est-ce point amusant ?

Et puis aussi ne pas connaître la vérité alors qu'elle est exposée au grand jour. Il suffit de ne pas vouloir la voir, de la refuser, de la considérer impossible et vous aurez très vite oublié ce mensonge nommé vérité. Et la vérité, n'est-ce pas un tissu de mensonges auquel tout le monde croit ? A tel point que si la vraie vérité leur était dévoilée, ils crieraient au mensonge ? Bien sûr, tout cela est comme la nuage radioactif qui s'est arrêté aux frontières ou bien ces chères balles allemandes qui transpercent sans faire mal. Et tous ces misérables humains, ne se posant aucune question, écoutent ces idioties et les gobent, ces superbes grenouilles adorent les mouches on dirait ...

En tout cas, vérité ou non, mensonge ou pas, il était là, devant elle alors qu'elle pensait à un sujet qui lui échappait totalement. Un léger vent se levait, emmenant avec lui quelques faibles nuages de poussière. Finalement, elle rouvrit les yeux. Elle pleurait. Peut être était-ce à cause de la poussière ... Non, ses yeux étant fermés, la poussière n'avait pas pu les irriter. S'était-elle souvenue de moments difficiles à supporter ? Certainement, toujours est-il qu'elle passa une main sur son visage. Ce visage en pleurs, il lui rappelait son amie ... Celle qu'il avait tuée cruellement pour quelque besoin nutritif ... Il fronça les sourcils, découvrant les dents et les serrant.

Son coeur ... Il lui faisait mal, très mal ... Il se compressait, seul, dans sa poitrine. Le jeune homme baissa les yeux et entendit la jeune fille crier. Il serrait toujours les dents, serrant également les poings. Même s'il ne la connaissait point, même si elle aurait pu le tuer, même si elle n'était pas comme lui, rien que la voir pleurer le faisait souffrir. Il s'accroupit, devant elle, la regardant pleurer. Ses yeux prenaient un air triste malgré le fait que sa bouche ne marquait aucune grimace. Elle était effondrée, sur le sol et lui, ne pouvait pas faire grand chose ...

Doucement, il attrapa le menton de la jeune fille de la main gauche et le souleva. Montrant son air triste, il posa sa main droite sur la joue de la criminelle.

-Ne pleurez point, si je vous rappelle quelque mauvais souvenir, je m'en irai sans dire mot. Sa voix était ferme mais douce malgré tout. Elle complétait bien les grands yeux tristes que le vampire arborait.

Elle pleurait encore quand elle entendit des pas se rapprochait. Elle savait parfaitement qu’il s’avançait vers elle. L’angoisse s’était envolée pour laisser place à une immense tristesse. De plus, si ce qu’elle redoutait était fondé, alors elle risquait vraiment de mourir.

Mourir… Un mot bien étrange en fin compte. Mourir signifie que la vie d’un être s’achève. Mais, meurt-il vraiment ? Dans les textes bibliques, il parle d’un au-delà, là où les morts qui ont fait preuve de bonté se réunissent. Et d’un autres coté, il parle de l’enfer, où les êtres immondes, machiavéliques, qui ont fait du mal se retrouvent. Une sorte de prison où ils vont eux même souffrir. Mais en fin compte, que savons-nous de tout cela ? Dieu, le tout-puissant, est censé être une divinité pleine de bonté, mais s’il a crée un endroit tel que l’enfer où les personnes souffrent, est-il réellement bon ? Dans la bible, on nous dit qu’il faut savoir pardonner. Mais si Dieu envoi les personnes néfastes en enfer, cela veut dire qu’il n’a pas put pardonner. Donc finalement, Dieu lui-même est un être imparfait. Après tout, personne n’est parfait…

C’est ce qu’elle pensait. Du plus profond de son être, après la mort de sa mère, elle avait maudit le seigneur. Car sa mère était, pour elle, l’être parfait. Que des qualités, aucun défaut de fabrication. Si le seigneur existait vraiment, alors il aurait empêché cette tragédie, mais non, il avait laissé faire, se croisant les bras et admirant le spectacle. Depuis, elle n’avait plus confiance en lui. Elle le haïssait de tout son être. Jamais elle n’avait autant haïe quelqu’un. C’était la première personne. Et puis, quand on meurt, est-ce que l’esprit, l’âme, disparaît aussi ? Car après tout, elle, sur la tombe de sa mère, le jour de ses douze ans, il lui avait semblé voir son âme. Victime d’hallucination ou pas, pour elle s’était la même chose.

Et pourtant, cet homme, qu’elle venait à peine de rencontrer, il n’avait pas d’âme. Du moins, elle ne lui en voyait pas. Etait-ce quelqu’un qui aurait perdu son âme quelque part ? Elle n’en savait rien, mais lorsqu’une âme est perdue, il existe encore ses contours. Des contours, noir, blanc, rouge et gris, cela dépendait de la couleur de l’âme. Mais lui, rien, nada. En repensant à ce qui lui était arrivé tout à l’heure, elle se dit que peut être c’était une personne comme elle. Elle avait réussit à traverser un mur. Bizarre pour une adolescente normalement constitué. Peut être était-ce dans ce laboratoire que l’on lui avait fait quelque chose. Elle n’en savait franchement rien, mais si ce jeune homme était comme elle, alors il devait sûrement savoir quelque chose.

Mais elle ne pouvait pas le lui demander. Sa voix était entrecoupé par des sanglots, elle n’arrivait pas à arrêter ses larmes. Pauvre d’elle. Si un jour elle put prédire qu’elle se retrouverait dans cet état lamentable, et qui plus est, devant un parfait inconnu qui pouvait la tuer quand il le voulait, elle aurait vraiment fait gaffe à ne pas perdre sa faux ! Au moins, avec elle, elle aurait pu se défendre ! Mais même pas, il avait fallut qu’elle la perde dieu sait où ! Vraiment, parfois elle se demandait comment elle faisait pour être cruche à ce point. Non pas que cela lui arrivait souvent mais quand même !

Ah … Ça y était. Il s’était arrêté de marcher. Elle avait perdu. Perdre sans rien faire … C’était comme déclaré forfait, non ? Elle sentit des yeux la fixer. Mais qu’est-ce qu’il faisait ?! Qu’il arrête de la martyriser et qu’il abrège vite fait bien fait ! Ce n’est vraiment pas gentleman de faire attendre une jeune fille. Surtout si celle-ci s’attend à mourir.

Elle sentit une main soulevait son menton. Ses bras tombèrent à coté de son corps, et une autre main vint se poser sur sa joue. Ses larmes coulaient toujours, mais un peu moins. Elle vit les lèvres de son vis-à-vis s’ouvrirent.

-Ne pleurez point, si je vous rappelle quelque mauvais souvenir, je m'en irai sans dire mot.

Cette voix … Elle était totalement différente de celle de son frère. Comme si elle venait de recevoir une claque, ses larmes se stoppèrent instantanément. Elle venait se le réaliser. Cet homme, malgré le fait qu’il ait le visage de son frère, ne l’était pas. Sa voix était totalement opposée à celle de son défunt grand-frère. Lui, il avait une voix, dure, cassante, mais n’en était pas moins gentils. Tandis que le jeune homme en face avait une voie à la fois ferme et douce. Des contraires qui s’alliaient parfaitement. S’en était presque frustrant.

Voyant qu’il attendait toujours une réponse de la part de la jeune fille, Myaru reprit contenance et décida de ne plus se laisser aller. Elle n’allait pas être trop froide non-plus, il avait eu l’amabilité d’aller lui parler, et gentiment, en plus.

Elle lui fit un tendre sourire, chose qu’elle n’avait jamais faites avant, à part pour son frère et sa mère. En repensant à sa phrase, elle avait put remarquer qu’il faisait, lui aussi, partit de la haute noblesse. Elle n’aimait parler comme eux, mais après tout, il fallait bien se montrer aimable envers se jeune homme.

-Non, ne vous en faites point, vous n’êtes point la source de mes souffrances. Je vous en prie, ne vous blâmez pas, et restez ici si cela vous chantes, vous n’avez pas à vous plier à mes exigences.

Sans sans rendre compte, à la fin de sa phrase, elle avait fait une rime. Bah, à croire que ses cours de langue dans la haute noblesse lui avaient enfin servit à quelque chose !

La jeune fille cessa de pleurer. Peut être les paroles du jeune homme l'avaient-elle rassurée ? Il ne pouvait deviner ses pensées donc il se contenta de la regarder lui faire un agréable sourire même s'il lui pinça le cœur. Elle ne ressemblait que très peu son aimée mais ... Mais elle la lui rappelait tout de même. Il aurait tant aimer trouver quelqu'un qui arrivait à lui faire oublier ce douloureux souvenir. Juste l'espace d'un instant suffirait mais, à priori, ce devait être trop demander ... Il leva les yeux tristement sur la jeune fille et s'aperçut qu'elle était sur le point de parler.

-Non, ne vous en faites point, vous n’êtes point la source de mes souffrances. Je vous en prie, ne vous blâmez pas, et restez ici si cela vous chantes, vous n’avez pas à vous plier à mes exigences.

Étrangement, il sourit en entendant les paroles de la jeune fille. Doucement, il se releva, lâchant le menton de la dite jeune fille. Il mit sa main droite dans une des poches de sa veste et s'assit sur le mur qu'il avait fait tomber par mégarde. Cette position lui était bien plus agréable et puis il avait besoin de s'asseoir avant de se remémorer une nouvelle fois ce qu'il avait fait ce soir-là ...

Il s'en souvenait très bien, ils étaient en train de discuter de leurs différents goûts, dans sa chambre et ... Et il a eu une crise de manque. Violemment, il l'a allongée sur le lit et elle, s'était laissée faire. Il aurait espéré qu'elle se débattrait, il aurait espéré qu'elle l'aie rejeté mais, l'observant de son regard bienveillant, elle n'avait nullement bougé. Il se souvenait des deux légères entailles qu'il avait faites au niveau de son cou, il se souvenait l'intense goût de son sang ... Il avait bu, il avait bu trop de sang, il le savait. Elle s'était évanouie.

Il avait relevé la tête, remarquant l'inconscience de son amie et il l'avait transportée, lui-même, jusqu'au manoir de sa famille. Il passa le reste de la soirée à se morfondre dans son lit, espérant ne pas avoir trop affaibli son amie. Le lendemain matin, dans les journaux, un gros plan était fait sur la mort de l'héritière d'une des grandes familles habitant la ville. Elle avait été tuée par le criminel que l'on surnommait "le vampire" à cause de son étrange façon de tuer, vider complètement ses victimes de leur sang via des trous ressemblant à ces morsures de créatures nocturnes que l'on voit dans les films.

Malheureusement, officiellement, le meurtrier resta Le vampire que l'on trouva un peu plus tard. Bien trop dangereux pour être emprisonné, son exécution eut lieu dans des locaux extrêmement bien surveillés. Personne n'a jamais su s'il avait vraiment été tué, ou autre chose car, après tout, aucune preuve n'existait vraiment.

Regardant devant lui, il pensa de nouveau à son aimée, il l'avait tuée avant même de lui avoir avoué son amour ... Elle ne l'aurait jamais su et il le regrettait ... Il tourna la tête vers la jeune fille dont il ne connaissait toujours pas le nom. Sans même qu'elle ne lui ait posé quelque question, il sortit son briquet en disant :

-Je me nomme Masaki Kuroda

Il n'attendait pas spécialement de réponse et essaya d'allumer une flamme et de la contrôler quelque peu. La flamme fit quelques petits sauts avant de heurter la paume du jeune homme. Il retira sa main, la secouant. C'était un réflexe légèrement normal. Il ouvrit sa main, pour regarder la brûlure. La peau semblait bien brûlée à cet endroit mais il ne s'en soucia que peu. La douleur, il y était habitué.

A l’entente de ses mots, elle put remarquer que l’inconnu avait sourit. Certes, un léger sourire mais il était tout de même bien présent. Ce sourire … Comme son frère … Vraiment, qu’avait-elle fait au bon Dieu pour mériter pareil punition ? Revoir le visage de son frère ainsi … Souriant en plus … Se moquait-il d’elle ? Son vis-à-vis se releva, lâchant son menton par la même occasion. Sans savoir vraiment pourquoi, cette position avec lui ne l’avait pas vraiment embarrassé. A croire qu’elle aimait les positions délicates !

Il venait d’aller s’asseoir sur le mur qui s’était effondré lorsqu’elle était passée. Lorsqu’il s’assit, ses épaules se détendirent. Il devait largement préférer cette position à la précédente. Il la regardait de nouveau. Elle crut y distinguait une flamme qui venait de se ranimer dans ses yeux. Il la voyait sans vraiment la voir. Elle avait l’impression qu’il regardait à travers elle. Dans ses yeux, elle pouvait apercevoir de la mélancolie… Pensait-il à quelque chose de triste ? A quelqu’un dans sa vie qu’il aurait perdu de vue parce qu’il s’était retrouvé ici ? Elle n’en savait rien, mais très sincèrement, elle ne voulait pas vraiment savoir. Elle était tout de même dans un endroit dont elle ignorait absolument tout ! Elle devait se méfier tout de même…

Il avait baissé la tête et semblait pris d’une soudaine passion pour ses chaussures. Quand elle le regardait, comme ça, avec sa tête baissé… Aucun doute possible … C’était une sorte de réincarnation de son frère… Non, elle ne le voulait pas …

Elle reprit son éventail qui trainait à coté d’elle et le mit face à elle. Son ornement symbolisait un dragon se battant contre un phénix. Deux bêtes mythiques se battant l’une contre l’autre. On ne sut jamais qui des deux avait gagné. Peut être avaient-il fait égalité ? Cela semblait tout de même improbable… Elle déplia et replia l’éventail encore et encore, comme pris d’une soudaine passion pour cette action totalement vaine et inutile. Elle vit que l’inconnu regardait de nouveau devant lui, mais décida de ne pas s’en formalisé et continua à joué avec l’éventail.

-Je me nomme Masaki Kuroda.

Elle ne répondit rien à cela. Et il semblait d’ailleurs qu’il n’attendait pas spécialement de réponse. Elle continuait ses mouvements fluides, ouvrant et dépliant l’éventail. Elle ne semblait pas s’en lasser. La voyant comme ça on aurait dis une enfant découvrant un peu plus chaque jour le monde.

Elle le regarda sortir un briquet de sa poche et l’allumé. C’était une magnifique flamme rouge/orangé qui sortit. Ses flammes … Elles ressemblaient aux flammes de l’enfer que l’on décrivait parfois dans les contes pour enfants, mais aussi dans la bible.

Etrangement, la flamme commença à sautiller avant de finir par s’éteindre sur la paume du jeune homme. Il recula la main et commença à la secouer. Elle voyait clairement qu’il n’avait pas eu mal, que son geste avait été un simple réflexe.

Elle décida de ne pas intervenir, après tout, s’il n’avait pas mal, pourquoi faire semblant de s’inquiéter ?

Elle n’avait pas encore cessait ses mouvements de dépliages. Elle avait l’air ridicule comme ça, mais elle s’en fichait autant que de savoir pourquoi les poissons vivaient dans l’eau. Au bout d’un moment, elle stoppa net et abaissa légèrement sa tête, cachant ainsi ses yeux avec ses mèches.

-Pourquoi … ?

C’était sortit tout seul. Comme si elle avait tellement de question à poser.

Pourquoi son frère était-il mort ainsi ? Pourquoi cet inconnu lui ressemblait-il ? Pourquoi son père avait assassiné sa mère bien aimée ? Pourquoi Dieu s’acharnait-il contre elle ? Pourquoi se trouvait-elle ici ? Pourquoi ne pouvait-elle pas voir l’âme de cet homme ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ! Tant de questions et pourtant aucune réponse.

Elle ne savait pas si le dit-Masaki avait entendu, mais elle espérait que s’il devait poser des questions, qu’elles ne soient pas trop indiscrètes.

Dans son esprit tout était confus. Elle avait mal à la tête et trembler légèrement. Allons-bon, voilà autre chose ! Après avoir cru mourir, elle allait tomber malade ? Non, non et non ! Elle avait autre chose à faire que de devoir se soigner ! Ça suffit là ! Et pourtant … Elle sentait sa tête lourde, son esprit vagabondant dans tous les sens et …. Merde ! C’était le cas de le dire ! Une blessure qu’elle s’était fait avant d’arriver ici …

Non pas que celui avec qui elle se battait était fort, non, c’était juste qu’elle avait fait un faux mouvement et était tombé du haut d’un toit. Elle ne s’était pas réceptionnée à temps, et manque de chance pour elle, elle se trouvait dans une ruelle abandonnée, avec des tas de détritus autour d’elle. Beurk ! Mais ce qui causa la blessure fut un morceau de verre qui s’était implanté dans son abdomen, du coté droit. Surtout qu’il était bien gros et coupant ! Mais qui avait idée de laisser une bouteille de bière brisée en pleine ruelle aussi ? Pfiou, c’était bien sa veine ça, tient !

La blessure avait mis très longtemps à cicatrisé, et même lors de son dernier combat, la croute ne s’était pas totalement formée. Et ben elle allait encore devoir attendre longtemps avant qu’elle ne re-cicatrise enfin !

Elle rangea son éventail dans une de ses poches, et porta sa main droite à l’endroit où résidait sa coupure. Elle saignait beaucoup, ses vêtements foncé, portaient dorénavant une tâche approchant du marron du coté droit de l’abdomen.

Elle jura. D’abords, des piqûres, ensuite la perte de sa chère et tendre faux, sa rencontre avec un jeune homme ressemblant quasiment à son frère, sa tête lourde et maintenant, la plaie ! Elle se demandait vraiment ce qui allait arriver ensuite. Un vampire lui sautant au cou pour la vider de son sang ? Peuh ! Faut pas déconné non-plus ! Et pourtant, elle se demandait pourquoi cela ne pourrait pas arriver alors qu’elle, elle avait bien réussit à traverser un mur …

Clac, clac, clac, clac ... Le bruit d'un éventail résonnait. Les intervalles entre chaque claquement étaient réguliers, comme l'eut été le mouvement des aiguilles d'une montre. Chaque tic marquant une seconde, repère dans le temps. Quel jour était-il ? Rien ne pouvait lui permettre de le deviner, même les saisons étaient certainement perturbées dans cette gigantesque bulle de verre. Malgré les rayons du soleil, la température à l'intérieur ne devait pas être exactement la même que celle à l'extérieur ... Peut être quelques degrés séparaient les deux températures. Masaki leva la tête, regardant la bulle de verre. Prisonniers, ils étaient tous deux bien prisonniers.

De toute façon, il avait toujours été prisonnier. La liberté n'avait jamais existé pour lui, il était dans une cage dorée et de l'extérieur, on lui montrait toutes les choses qu'il ne pouvait atteindre, on lui donnait ce dont il avait besoin pour subsister. Même s'il le refusait bien souvent, esclave de sa faim, il buvait toujours plus de sang, faim ou dépendance, cela lui importait peu car aucune de ces raisons ne justifiait tous ses actes. Et c'est pour ça qu'il était ici, parce qu'il avait fauté et qu'il devait être puni. Rien que les transformations qu'il avait subies suffisait à le conduire en enfer car sa dépendance était devenue un besoin vital et donc il ne pourrait jamais y échapper.

Cette prison était quand même spacieuse avec un tas de petits jouets à casser. Tous ces jouets ayant eu une une longue vie, tâchée de sang. Tant de meurtres peuvent changer plus d'une personne et eux, ont-ils changé ? Tout ce rouge leur a-t-il retourné le cerveau ? Et lui, ce noble aux cheveux rouges, était-il resté lui-même après avoir tué tant de personnes ? Peut être est-il resté un gentil garçon généreux et un peu naïf au fond de lui malgré ces allures indifférentes qu'il porte si souvent. Grâce à cela, il avait réussi à se convaincre que tout cela lui importait peu même si tous ces morts le tourmentaient plus qu'autre chose.

Le bruit qu'émettait l'éventail quand il se dépliait et repliait cessa et Masaki tourna lentement la tête vers la jeune fille. Elle avait baissé la tête de telle sorte que ses yeux étaient cachés par quelques mèches de cheveux. Une éternité sembla s'écoulait alors qu'elle restait dans cette position. Le jeune homme se demanda quels sentiments son visage exprimait ... Peut être qu'une lueur de curiosité animait vivement ses deux yeux rouges. Peut être ses yeux étaient-ils vides de quelque expression humaine car, après tout, il n'était plus un misérable humain mais un noble représentant de la race vampirique.

-Pourquoi ... ?

Pourquoi ... Quelle vague question avec tant de réponses possibles ... Si ça se trouve, elle se demandait ardemment les raisons de sa présence sur cette île. Le vampire n'avait absolument aucun moyen de découvrir la suite de cette question, il ne savait même pas à qui ou à quoi celle-ci était adressée. Il rangea lentement son briquet dans la poche gauche de sa veste et se leva. Il s'étira légèrement et regarda à nouveau la paume de sa main. Les traces de brûlure avaient toutes disparues, la peau était complètement normale à un point que ses capacités l'effrayaient.

Se tournant vers la jeune fille, il remarqua qu'elle tremblait. Une tache rouge commençait à se former au niveau du côté droit de son abdomen. Le flair du jeune homme ne le trompa point, elle saignait ... Une vive douleur se fit sentir au niveau du cœur du vampire. Sa faim se réveillait à cause de cette odeur de sang ... Il s'attrapa la chemise au à cette endroit en étouffant quelque cri de douleur. Il tomba même à terre tellement cette douleur était horrible. Sa respiration était forte et il essayait de contenir cette soif de sang. Ravalant sa salive, il se leva avec un mal infini.

Serrant les dents, il lança un léger regard vers la jeune fille et voyant la tache de sang, il se souvint de chaque moment où il avait vidé une personne de son sang. Il regardait de toutes parts devant lui, il ne voyait que ses victimes, mortes, à cause de deux trous au niveau de leurs cous. Se tenant l'œil gauche, de ses yeux écarquillés, il regardait le corps inerte de son aimée. L'image s'estompait peu à peu et il reprit ses esprits. Sa soif s'était atténuée et il sortit des bandages de la poche droite de sa veste. Il en portait toujours sur lui, il était si maladroit qu'il se blessait régulièrement ... S'approchant de la jeune fille et s'accroupissant à nouveau devant elle, il dit :

-Puis-je bander votre blessure ?

Elle entendit quelque chose tomber au sol. Elle ne se tourna pas, elle savait que c’était lui. Elle entendit des cris de douleur étouffée. Pourquoi souffrait-il ? Ce serait plutôt à elle de crier ! Sa blessure saignée de plus en plus. Le sang gagné de plus en plus du terrain sur sa tenue. Sa tête lui tournait, elle perdait beaucoup trop de sang d’un coup !

Elle se souvint de la dernière qu’elle avait été malade… C’était son frère qui s’était occupé d’elle. Jour et nuit, il était resté à ces coté non-stop. Il avait soigné comme personne ne l’avait jamais fait. Elle se souvenait encore de ses yeux inquiets et bienveillants qu’il avait posés sur elle durant cette période. Qu’est-ce qu’elle aurait donné pour pouvoir revenir en arrière et empêcher la mort de son grand-frère !

Elle entendit des bruits de pas se rapprocher d’elle. Il avançait vers elle. Mais pourquoi faire ? Il n’avait pas besoin de s’inquiéter pour elle, il ne se connaissait même pas ! Alors pourquoi ?! Est-ce qu’il s’était pris d’affection pour elle ? Pourtant il n’y avait rien d’attirant chez elle ! Elle avait tué des hommes, des femmes et même des enfants parce que leurs âmes étaient souillées. Non pas qu’elle le regrettait, mais elle avait l’impression, que si elle était ici, c’était peut être à cause de ça. Mais elle n’avait hélas aucun moyen de vérifier si son hypothèse était juste ou non.

Sa douleur augmentait de minutes en minutes… Elle avait mal, bordel ! Chaud et froid en même temps … Vraiment, elle avait peut être de la fièvre ? Pauvre chou ! Elle vit du coin de l’œil que Masaki venait de s’accroupir devant elle. Encore une fois…

Elle haletait …. Ça n’allait vraiment pas ! Si sa continuer elle allait finir par s’évanouir devant lui… Elle se demandait ce qu’il allait faire une fois qu’il aurait une jeune fille évanouit devant lui… Allait-il abuser d’elle ? Non, ça ne semblait pas être le genre de personne à faire cela. Allait-il la soigner ? Il venait à peine de se rencontrer, pourquoi ferait-il une chose pareille ?

-Puis-je bander votre blessure ?

Elle sursauta. Elle ne s’attendait à ce qu’il lui demande une telle chose. Elle se retourna lentement vers lui et tomba nez à nez avec ses yeux. Ses yeux … Il était vide et pourtant … Elle y lisait une minuscule lueur d’inquiétude … Non ! Il n’avait pas le droit de faire ça ! C’était de la triche !

En voyant son regard elle tremblant de plus en plus. Elle écarquilla les yeux. Masaki lui tendait une main, elle la rejeta de sa main gauche. Les sourcils froncés, les larmes recommençaient à perler au coin de ses yeux. Elle se jeta sur lui violemment, le mettant à terre. Elle avait désormais une jambe de chaque coté du corps du jeune homme. Elle tenait fermement de ses deux mains, chaque coté du col de sa chemise. Les larmes coulèrent sur la chemise, ce qui laissa des marques grisâtre dessus. Elle lâcha le col et commença à donné des coups de poings sur le torse du jeune homme. Au début ils n’étaient pas très forts, mais au fur et à mesure qu’elle le frappait, la puissance du coup augmentait un peu plus à chaque fois. Elle n’arrivait à distinguait son expression, ses yeux étant trop embrumé. Sa main droite étant pleine de sang, commença à tacher la chemise immaculée du garçon.

-Pourquoi ?! Pourquoi faut-il que tu lui ressemble autant ?! C’est de la triche ! Tu n’en as pas le droit ! Moi, qui voulais oublier tout ça ! Pourquoi tu as le même visage, les mêmes yeux que lui ?! Je l’aimais tellement … Et il est mort quand même ! Il m’avait promis de me protéger, et il n’a pas tenu sa promesse ! Si seulement j’avais su … Si seulement j’avais pu le sauver … Même si pour cela j’aurais du donner ma propre vie, je lui aurais donné ! Mais non… Il a fallu qu’il meurt … Et toi, tu lui ressemble tellement … Pourquoi …

Plus elle parlait, plus sa voix déclinait. Après avoir prononcé le dernier « pourquoi » elle cessa de parler. Les seuls bruits que l’on entendait, c’était elle, sanglotant. Elle se demandait vraiment pourquoi elle lui avait raconté tout ça ! La fièvre avait d’eu encore augmenté. Sa blessure lui faisait de plus en plus mal… Elle commençait à vaciller … Non, elle ne devait pas s’évanouir ici ! Si elle s’évanouissait, elle avait peur qu’elle ne puisse jamais se réveiller … Ce n’était pas qu’elle peur que Masaki lui fasse quelque chose, seulement elle ne savait pas ou plus … Tout c’était embrouillé dans sa tête...

Elle luttait tant bien que mal contre l’évanouissement. Elle avait perdu trop de sang, ce qui avait du accroitre sa fièvre. N’en pouvant plus, elle s’évanouit contre le torse du jeune homme. Ses larmes avaient cessé de couler. Evanouit comme ça, on aurait pu croire qu’elle dormait. Remarque c’était à peu près la même chose… Sur le torse du jeune garçon, elle ramena ses mains à elle. Elle avait très froid, et pourtant cela ne l’empêchait pas d’avoir un air paisible scotché sur les traits fin de son visage…

Remarquant qu'elle tremblait de plus en plus, il approcha la main pour voir si elle avait de la fièvre mais elle la rejeta. La jeune fille se jeta violemment sur lui et lui, se laissant faire, se retrouva sur le dos. Il avait les bras écartés de part et d'autre de son corps. Son visage n'affichait toujours aucune expression, que ressentir dans cette situation ? Tant de choix s'offraient à lui, il pouvait être inquiet pour cette jeune fille ou la laisser là, seule. Elle tenait son col en pleurant. Les larmes coulaient le long de son visage jusqu'à la chemise du vampire pour y laisser quelque marque grise. Quelques gouttes de sang coulaient aussi à travers les vêtements de la jeune fille pour tacher la chemise trop blanche.

Elle commença à marteler la poitrine du noble et lui, se laissait faire. Si elle était en colère contre lui et que cela lui faisait du bien de l'exprimer, ça ne le dérangeait pas. La douleur était de plus en plus intense mais il ne bougea pas d'un millimètre. En fait, derrière son air calme, il déployait toutes ses forces pour contrôler sa soif et ce n'était pas aisé. De grosses taches de sang se formaient peu à peu sur le vêtement du jeune homme. La respiration du vampire se faisait plus forte, à force d'attendre, il s'affaiblissait.

-Pourquoi ?! Pourquoi faut-il que tu lui ressemble autant ?! C’est de la triche ! Tu n’en as pas le droit ! Moi, qui voulais oublier tout ça ! Pourquoi tu as le même visage, les mêmes yeux que lui ?! Je l’aimais tellement … Et il est mort quand même ! Il m’avait promis de me protéger, et il n’a pas tenu sa promesse ! Si seulement j’avais su … Si seulement j’avais pu le sauver … Même si pour cela j’aurais du donner ma propre vie, je lui aurais donné ! Mais non… Il a fallu qu’il meurt … Et toi, tu lui ressemble tellement … Pourquoi …

Donc il ressemblait beaucoup à un proche de la jeune fille ... Et celui-ci était mort ... Il n'y pouvait rien s'il lui ressemblait mais il n'allait pas la laisser seule dans cet état, il préférait encore qu'elle le frappe. Elle sanglotait. Elle sanglotait sur la poitrine de Masaki. Puis, elle commença à vaciller jusqu'à tomber sur lui. Il se redressa légèrement, l'asseyant sur ses genoux. Il n'avait rien à lui dire et puis, de toute façon, elle était inconsciente, ça aurait été inutile. Avec les bandages qu'il tenait encore, il entoura l'abdomen de la jeune fille et serra bien le tout. Le sang arrêta doucement de couler. Le jeune homme, soulevant lentement la jeune fille en la tenant au niveau du dos et des genoux.

Il se leva avec difficulté et réfléchit à un endroit où il y aurait de l'eau. En venant, il avait vu un lac donc ... Direction ce dit lac !

~Fin~

» Ko-ha-na-chan~ [Terminé]