Biographie : Le saviez vous ? Le folklore nippon regorge de légendes parfois insolites, voire incroyables. L’une d’entre elles parle d’un maître de divers arts du combats du monde entier, dont divers arts martiaux , escrime et autres techniques d’épéistes, combat à cheval, à pieds, dans divers engins, avec diverses armes, en bref, un maître de tous les combats. On raconte que cet homme résidait près de Osaka, le ‘près’ étant assez vague, mais il se dit surtout que cet homme était invincible. Cette légende était-elle véridique ? Qu’en sait-on. Les récits ne sont-ils pas faits pour donner aux gens du commun l’opportunité de rêver ? Ne serait-il donc pas logique de ne pas les vérifier ?
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Tsukiko était une enfant trouvée par un homme ni jeune ni vieux, qui habitait dans une immense vallée peuplée de divers animaux. Cet homme s’appelait Nodoka Ichigo, il était foncièrement bon et aimait beaucoup la petite fille. Le plus vieux souvenir de cette dernière remontait à une nuit, durant un hiver rude où elle errait, nue sous le blizzard, abandonnée par ses parents. Ce jour là, elle s’était évanouie, transie par le froid, ne souhaitant rien plus que de mourir, pour ne plus sentir ce vent glacial, cette neige trop blanche et ses pieds qu’elle ne sentait d’ailleurs déjà plus.
Elle se réveilla plus tard, bien au chaud devant un feu de bois, sous une couverture, couverte de vêtements beaucoup trop grands mais bien chauds, calée dans les bras d’un homme dont elle ignorait tout mais qui lui donnait la chaleur de son corps en plus de celle des divers agréments qui l’entouraient. Malgré tout cela, elle avait froid et elle était engourdie de partout. La petite fille avait alors regardé tout autour d’elle et avait découvert un salon en somme simplement meublé d’un grand fauteuil, d’une cheminée et d’un porte parapluie, et dont les murs étaient recouverts d’épaisses pièces de bois vernies. Une arche de taille moyenne conduisait à une autre salle, plus grande, qui devait faire office à la fois de cuisine et de salle à manger. La maison, elle devait s’en apercevoir plus tard, était entièrement construite en pierre et les parois intérieures étaient recouvertes de bois pour gagner en chaleur l’hiver. Lorsqu’elle eut tout vu, elle se retourna faiblement pour voir qui la tenait dans ses bras. Ce premier regard sur son sauveur fut surprenant pour la petite fille qui devait avoir trois ou quatre ans, mais en tout cas pas plus de cinq. L’homme avait les cheveux longs, réunis en un élégant catogan, et surtout entièrement blancs. Cependant, il ne paraissait pas âgé et ses cheveux n’avaient pas cette apparence et cette texture qui désignent les personnes dont l’âge est grand. Son sauveur arborait un doux sourire sur un visage plus doux encore, et la petite fille décida qu’elle était morte et que, coup de veine, elle était à l’endroit que les chrétiens appellent ‘Paradis’, puis elle s’endormit.
L’homme se présenta. Il s’appelait Nodoka Ichigo, et elle pouvait l’appeler comme elle le souhaitait, il n’était pas véritablement sensible à toute la politesse dont usent habituellement les japonais. A vrai dire, celle-ci l’ennuyait plus qu’autre chose. Il demanda alors son nom et son âge à la petite fille qui fut incapable de prononcer un mot. Quelques jours plus tard, alors qu’elle put enfin articuler quelques syllabes, elle put lui avouer qu’elle n’avait ni parents, ni nom et encore moins d‘âge précis. Ichigo fut ennuyé par cette découverte, mais ne dit rien.
La petite fille fut malade pendant longtemps, et l’homme qui l’avait recueillie lui annonça que c’était un miracle qu’elle ait non seulement survécu, mais en plus qu’il l’ait trouvée sous un tel blizzard. A vrai dire, elle avait une petite ecchymose à la cuisse gauche, marque de la botte chaude d’Ichigo lorsque celui-ci avait trébuché sur son corps inerte.
Plusieurs semaines plus tard, alors que l’enfant guérissait et qu’elle commençait à connaître Ichigo, et inversement, l’homme décida de lui donner un nom. C’était selon lui quelque chose d’important, une partie de celui (ou celle) qui le portait. Il avait remarqué au fil du peu de temps qu’ils avaient passé ensemble que la petite fille avait du mal à se concentrer sur un objet en particulier, mais que son attention englobait plutôt le général. Il la baptisa alors Tsukiko, enfant de la lune.
‘De plus, ajouta-t-il, on pouvait distinguer la lueur de la pleine lune, cette nuit-là.’
Il parlait, bien évidemment de la nuit où il l’avait trouvée.
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Tsukiko grandissait, et Ichigo lui confiait des tâches de plus en plus importantes. Il la prit comme disciple au dojo, et la petite fille prit l’habitude de lui donner l’appellation de ‘Maître’. Elle apprenait à manier différentes armes, dont son corps, comment ouvrir son esprit, la méditation, les règles de politesse et de conduite dans différents pays. Tout cela lui serait utile dans la vie, pas comme de simples connaissances théoriques. Ichigo ne le lui dit jamais, mais il était époustouflé par les progrès que faisait la petite fille. Son niveau dans toutes les disciplines qu’il lui enseignait croissait de jour en jour, et le corps de la petite fille, puis de la jeune femme gagna en force, en souplesse, en robustesse. Tsukiko s’épanouissait comme une fleur s’ouvrant au soleil, pendant que son maître se fanait et se flétrissait peu à peu. Ichigo était vraiment très fier de Tsukiko. Une complicité qui allait au-delà de celle entre un simple maître et son élève s’était tissée entre eux, et ils agissaient plus comme père et fille que comme maître et élève.
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Environs quinze ans après la rencontre de l’élève et son maître, par un beau jour d’été, l’impossible se produisit. Tsukiko avait atteint la limite de l’entraînement que pouvait lui fournir Ichigo, et celui-ci prit enfin un autre élève. C’était un jeune homme américain du nom de Jack Jensen. Il était blond, arborait de grands yeux bleus ainsi qu’un corps aussi immense que maladroit. Quelques semaines durant, Ichigo tenta en vain de lui apprendre quelque chose. C’était peine perdue. L’homme en avait plus qu’assez. Il avait toujours pris n’importe qui pour élève, sans distinction de race, ni de sexe, mais cet élève là lui sortait par les yeux, sans qu’il sût pourquoi. Il avait l’impression que Jack ne voulait pas apprendre, mais posséder, et cela ne plaisait pas à Ichigo pour qui son enseignement était plus qu’une maîtrise, un principe de vie. Jack décida d’arrêter son apprentissage.
Quelques mois plus tard, une vingtaine d’hommes, tous armés jusqu’aux dents, surgirent à la maison perdue dans la vallée. Ichigo et Tsukiko se trouvaient dans le dojo aménagé à quelques mètres de là, ils entendirent des aboiements humains, qui sonnaient comme des ordres.
Ils se précipitèrent, après avoir saisi chacun leur arme de prédilection, Tsukiko des lames de divers longueurs et épaisseurs, sans garde ni manche, et Ichigo un long katana dont la lame était décorée de fleurs de cerisier. Tous deux avaient une maîtrise extrême de leurs armes. Les vingt hommes se retrouvèrent très vite dépassés en nombre, mais à chaque fois que l’un d’entre eux disparaissait, c’étaient quatre autres qui faisaient leur apparition. Le maître et l’élève combattaient dos à dos, ils envoyaient à terre les homme agressifs qui, bien qu’ils maîtrisaient leurs armes, n’égalisaient pas le niveau technique et la force des deux membres du clan Nodoka. Malgré tout, le nombre parvint à inverser la différence, et, très vite, Ichigo fut blessé. En quinze ans, environ, la dure vie qu’il menait l’avait bien plus marqué que ce qu’il voulait laisser paraître, et il avait perdu en rapidité et fluidité de mouvement.
Son élève fut contrainte d’assumer la défense des deux côtés, mettant en place des techniques de défense bien personnelles, élaborées aux côtés de son maître. Elle partit en une danse endiablée, tournant, virevoltant, pivotant, les longues manches de son kimono suivant avec grâce chacun de ses mouvements.
Bien des ennemis furent envoyés à terre, mais l’un d’eux, gravement blessé et se sachant déjà condamné se laissa tomber, et son épée avec lui sur Ichigo. Tsukiko acheva les sept derniers ennemis qui étaient venus sans qu’ils sachent pourquoi dans le but unique de les tuer. Lorsqu’elle eut fini, la jeune femme regarda autour d’elle, contempla le carnage et avisa son maître, une épée dans le ventre et un ennemi affalé sur lui.
Elle se précipita à ses côtés, enleva le corps de l’ennemi encore vivant et contempla son maître. Etonnamment, son visage était serein malgré sa respiration haletante, sa pâleur, un sourire s’afficha sur le visage de l’homme. Il lui tint là le discours le plus enflammé qu’il avait jamais fait.
‘Ma fille, lui dit-il, apprends combien je suis fier de toi. Tu es l’enfant dont je rêvais, avec tes petits défauts et tes grandes qualités. Apprends aussi combien je t’aime. J’aurais aimé vivre plus longtemps à tes côtés, mais je crois que c’est impossible. Sache que tu es parfaite et que ce visage, même maculé de sang, est le plus beau que j’aie jamais contemplé. Va, mon enfant, poursuis ta vie telle que tu l’entends, tu es libre, et je sais que tu feras les bons choix.’
Sa voix mourut dans le dernier mot et les yeux d’Ichigo se figèrent, ainsi que son visage souriant.
Des larmes ruisselant sur le visage, Tsukiko se tourna vers le dernier homme vivant, celui qui avait achevé son père. Celui-ci avait quelques difficultés pour respirer. Elle le tourna sur le dos et contempla sa face, des plus banales, face à la perfection qui ornait le visage de son père (oui, elle ne l’appela père qu’à partir de ce moment). La jeune femme interrogea l’homme qui se révéla avoir été envoyé par le gouvernement dans le but de tuer Ichigo. La raison était simple, le premier ministre avait estimé que l’enseignement donné par l’homme aux cheveux blancs était trop dangereux pour l’état. Il risquait de former des hommes qui s’en prendraient alors aux population, ou pire, au gouvernement.
Ayant appris ce qu’elle voulait, Tsukiko abrégea les souffrances de l’homme d’un coup de lame dans la gorge. Elle procéda aux rites funéraires pour son père, et enterra leurs ennemis qui n’avaient fait que leur travail. Puis elle se lava, se purifia et médita pendant quelques jours, ne mangeant et buvant que le strict nécessaire. Sa décision était prise. Elle se prépara et partit pour Tokyo.
La ville était immense et effrayante pour la jeune fille qui n’avait connu d’autre compagnie que celle de son maître et des quelques personnes étant venues réclamer son enseignement. Elle trouva tant bien que mal l’endroit où elle pourrait voir le premier ministre et attendit. L’homme était entouré de gardes du corps et regardait partout, comme si il craignait pour sa sécurité. C’était justifié, se dit la jeune femme. Elle s’avança, revêtue du kimono des grandes occasions. Le ministre la toisa et, la jugeant sans doute nullement dangereuse la laissa s’approcher, franchissant le mur de gardes du corps. S’inclinant, la jeune femme mit en pratique les nombreux cours de politesse qu’elle avait pris aux côtés d’Ichigo. Elle entretint quelques instants la conversation, puis, rentrant humblement les mains dans les manches, elle en sortit deux lames. Les gardes du corps n’eurent pas le temps de réagir qu’elle avait déjà commencé à harceler l’homme de ses armes. Elle lui incisait la peau assez profondément de partout, puis elle lui coupa un bras, le gauche. Les armoires à glace qui servaient de gardes du corps au ministre s’emparèrent de Tsukiko qui, bien que très forte, ne put lutter contre huit colosses en même temps. Elle fut enfermé puis endormie et envoyée sur une île mystérieuse sans procès.
[TO BE CONTINUED…]