Rencontre sous la pleine lune

Lyz frappait, frappait encore, toujours plus fort. Elle avait sorti Kaimetsu et donnait de violents coups de katana dans le mur lumineux, mais rien n'y faisait. Elle s'était alors dirigée vers un grande armoire, celle de laquelle Masaki avait sorti ses armes, dans l'espoir d'y trouver quelque chose de plus solide. Elle en avait sorti une énorme hache que son gabarit n'aurait pu supporter si elle n'avait pas été une vampire. Cependant, elle maniait l'instrument avec une telle facilité que l'on aurait pu croire qu'il était en plastique. Seulement, ce n'était pas le cas, et malgré tous ses efforts, la protection ne faiblissait pas.

Soudain, son attention fut attirée par un mouvement dans le cube violet. Masaki s'était libéré de ses chaînes, et il s'avançait vers l'un des humains qui ''s'occupaient'' de lui. Lyz ne lui avait encore jamais vu cette expression. Il arborait un regard sauvage, empli de haine et de malice malsaine, il arborait un regard de lion qui, tapi dans l'herbe guette sa proie, ce regard de fauve affamé, prêt à tout pour se nourrir. Et c'était vraisemblablement ce qu'était Masaki. Sa faim s'était réveillée pendant son sommeil, sans qu'il puisse la sentir, jusqu'au moment où il s'était réveillé. Elle devait alors avoir atteint son paroxysme. C'était plutôt un bon signe. Il allait pouvoir se nourrir, puisque trois garde-mangers sur pattes l'attendaient.

Le vampire sonna un violent coup de coude au plus petit des scientifiques, qui alla tout droit s'écraser sur la protection violette. Puis, il en étrangla un second. Pourquoi ne s'abreuvait-il pas? Avait-il perdu conscience à ce point? Était-il seulement une bête sanguinaire, à présent? Il fallait qu'il se nourrisse. Lyz recommença à frapper sur la protection, afin de déconcentrer le troisième homme qui ne devait pas en être un, puisqu'il possédait un tel pouvoir. De quelle espèce faisait-il partie? Il ne pouvait être un kemonomimi. Peut-être était-il un ange qui masquait ses ailes, ou bien un pire, ou encore un démon. Oui, c'était sans doute cela, soit un vampire soit un démon, puisque les anges inspiraient confiance alors que cet être là inspirait tout, sauf ce dernier sentiment.

Lyz releva les yeux, juste à temps pour voir l'homme éviter un coup bien trop faible de Masaki et lui planter une seringue dans le bras droit. Le vampire s'effondra sur le sol, dit quelque chose que Lyz ne put entendre et perdit connaissance. Le cœur de la jeune femme s'emplit alors de fureur et elle perdit toute notion de raison, tandis que l'être immonde qui avait atteint Masaki le transportait de nouveau sur le lit. Elle donna un nouveau coup de hache dans la cloison lumineuse, un coup de loin plus violent que les autres. Ce fut aussi inutile que les autres fois, et Lyz, qui ne pensait plus à rien sortit de la pièce, claquant violemment la porte qui n'encaissa pas assez bien le choc et se retrouva en miettes par terre. Elle arpenta les couloirs, descendit une volée de marches, traversa quelques pièces, détruisant tout ou presque sur son passage, et se retrouva dans une pièce pleine de meubles étranges.

Ils feraient l'affaire.

La vampire commença donc une partie de tetris et empila les meubles les uns sur les autres, jusqu'à atteindre le haut plafond. À cet instant, elle récupéra sa hache qu'elle avait lâché pour accomplir sa besogne et vérifia qu'elle avait bien Kaimetsu, ainsi qu'une petite vingtaine de dagues sur elle. C'était parfait. Elle grimpa sur le tas de meubles, s'assura une certaine stabilité, et entreprit de détruire une partie du plafond.

Ce ne fut pas une chose aisée. Tout d'abord, l'angle de frappe n'était pas le meilleur, mais comment le trouver lorsqu'on est en équilibre sur cinq chaises, deux tables, un étagère et trois commodes? Ensuite, le plafond était très solide. Il y avait d'abord de magnifiques fresques, dignes des plus grands peintres italiens, une couche de bois, une autre de béton, une autre de pierre et d'autres matières...Il était clair que la hache allait largement être émoussée, lorsqu'elle en aurait fini avec cette tâche ingrate. Mais elle continuait, se défoulant sur ce plafond qui commencer à tomber en miettes, fragment par fragment.

La robe de la vampire était pleine de poussière. Elle n'était plus rouge, mais grise. Cependant, Lyz n'était pas l'une de ces personnes superficielles qui perdent du temps pour préserver leurs vêtements. Certes, cette robe était magnifique, certes, elle l'aimait beaucoup, mais elle gardait à l'esprit que ce n'était qu'un bout de tissus qui pouvait très bien être remplacé par un autre. Il n'était pas comme ces choses irremplaçables comme celle qu'elle s'efforçait de sauver.

Le trou s'avéra à cet instant juste assez grand pour la laisser passer, ce qu'elle fit. Elle se retrouva alors à l'intérieur du cube de lumière violette qui, comme elle l'avait pensé ne recouvrait pas le sol. Elle avait trouvé le point faible dans la défense de l'homme.

Lyz se releva et s'approcha alors discrètement. Cependant, l'être se tourna vers elle et la dévisagea, surpris de la voir de son côté de la barrière. La vampire saisit Kaimetsu, mais il était déjà trop tard. L'enveloppe de l'homme semblait bouillonner, d'énormes bulles jaunâtres faisaient sur face au niveau de son visage et explosaient bruyamment, le défigurant au passage. Lyz s'arrêta, quelque peu surprise par l'évolution des choses. Que se passait-il?

Elle le sut quelques secondes plus tard. Elle n'avait pas affaire à un vampire, mais bien à un démon, comme elle l'avait supposé. Ses manières d'agir étaient bien trop viles pour qu'il fut emprunt de la noblesse vampirique. La chose, car elle ne pouvait pas dire l'être, c'était trop lui en demander, qu'elle avait devant elle était une sorte de pieuvre noirâtre munie de patte griffues qui lui permettaient de marcher, ainsi que des traditionnels tentacules, dont les ventouses étaient surmontés de pointes acérées. Une bouche et des crocs s'ouvraient sur un orifice profond et agrémenté de dents plus nombreuses et tranchantes que celles d'un requin blanc.

La surprise de Lyz ne joua pas en sa faveur. La chose se précipita vers elle, et lui érafla le flanc en de multiples endroits, le tout d'un seul coup de tentacule. La ''bouche'' de la pieuvre se fendit d'un sourire carnassier, sans que la vampire ne comprenne pourquoi, avant de constater que la plaie saignait abondamment bien plus qu'elle ne l'aurait dû. La vampire releva la tête, le démon eut un rire léger, suraigu.

-mes pointes, comme tu le constates contiennent un puissant agent hémorragique. Fuis maintenant, je ne veux que lui, tu peux encore sauver ta peau.

-A quoi bon sauver ma peau, si c'est pour laisser un proche derrière moi? Répondit Lyz sur un ton mauvais. Tu vas bientôt regretter de lui avoir fait subir tout cela. Pourquoi lui avoir fait tout cela?

Le démon ne répondit pas et passa à l'attaque. Instantanément, la vampire banda sa conscience et tua la chose d'un coup de volonté. Elle n'aimait pas cette manière de procéder, cela lui semblait déloyal, mais cette chose ne l'était pas, et elle devait aller voir dans quel état son vampire se trouvait. Le corps s'affala sur le sol dans un bruit de succion et les tentacules rebondirent. Lyz shoota dans le démon, histoire de se venger et alla au chevet de Masaki. Ce dernier était dans un sale état. Son visage était d'une pâleur cadavérique, et il saignait en divers endroits. Cependant, il était encore vivant, et c'était tout ce qui importait à la vampire. Elle pansa les plaies du jeune Kuroda, puis tua un cerf dans la forêt voisine pour s'abreuver et âtre prête, lorsqu'il se réveillerait, à donner son sang à son compagnon.

Cependant, les petites blessures peu profondes de Lyz saignaient toujours abondamment, et, malgré sa soif étanchée, elle se sentait de plus en plus faible. Elle examina la chambre, puis le vampire, puis, vu l'état des lieux, elle décida d'emmener le convalescent ailleurs. Elle le prit donc dans ses bras et l'emmena dans une pièce plus convenable au repos d'un blessé. Elle déposa Masaki sur un lit de bois foncé, bordé de rose pâle, de la même couleur que les fleurs des cerisiers autour du lac, et regarda l'espace d'un instant la chambre. Elle était d'un beau gris, assez foncé, et tous ses meubles étaient du même bois que le lit. Les tissus d'ameublement, eux, étaient de ce même rose pâle et élégant, pas comme ceux criards ou flashy que l'on pouvait trouver un peu partout. Somme toute, c'était une chambre bien élégante, et Lyz l'appréciait à sa juste valeur.

La jeune femme trouva alors une salle de bain et se dévêtit. Sa robe était grise et déchirée, elle devrait s'en séparer. Cependant, elle s'était préparée à cela et n'en était pas très attristée. Elle avait sauvé Masaki des tentacules de la pieuvre, et c'était tout ce qui lui importait. Il ne lui restait plus qu'à veiller au rétablissement du vampire. Lorsqu'elle entra dans la douche, quelques gouttes de sang tombèrent sur le carrelage d'une blancheur éclatante. Lyz se lava rapidement et banda ses blessures. Puis elle rejoignit Masaki dans la chambre, vêtue d'un peignoir et bien décidée à le veiller. Elle se dirigeai vers le fauteuil qui se trouvait non loin de la fenêtre, l'emmena près du lit de son vampire et s'effondra sur le sol, inconsciente.

Une flaque de sang de forma peu à peu près de son flanc droit.

Cette odeur ... Il la connaissait mais, à quoi appartenait-elle ? Il n'arrivait pas à réfléchir ni même à penser, ce tranquillisant était extrêmement puissant ... Il ne pouvait ni ouvrir les yeux, ni bouger. Il commençait seulement à se réveiller de ce sommeil forcé ... Il n'arrivait à percevoir que de fortes odeurs et des sons aigus aussi, ce parfum le hantait. Il lui semblait si familier et pourtant il n'arrivait pas à l'identifier ! Quel idiot ! Si cela lui était si familier, comment pouvait-il ne pas arriver à l'identifier ? Ses sens étaient brouillés, certes, mais il était tout de même un vampire ! Un tranquillisant l'avait tout de même vaincu assez facilement ... Peut être n'était-il qu'un humain ne pouvant se passer de boire du sang ... Et ses pouvoirs ? Comment les expliquer ? Un humain génétiquement modifié avec des pouvoirs liés à des expériences dangereuses et douloureuses ...

Son ouïe s'éclaircissait et son odorat s'affinait. Il sentait d'autres odeurs dont une avec une nuance sanguinaire. Était-ce la même qu'auparavant ? Non, elle était plus forte que la précédente du moins, c'est ce qu'il semblait au jeune homme. Il réfléchit longuement pendant quelques instants qui lui parurent être une éternité. Le vampire cherchait dans sa mémoire déjà bien remplie de quoi identifier ce doux parfum enivrant. Des images ensanglantées lui revinrent en mémoire, des scènes où il tuait juste pour se nourrir. Lentement, ces souvenirs défilaient, les uns après les autres, sans qu'ils ne lui fassent aucun effet. Après tout, les jeunes filles qu'il voyait ne méritaient pas de vivre donc il les avait tout simplement tuées. Ensuite, vinrent des jeunes femmes innocentes qu'il avait tuées pour se nourrir, tel une bête sauvage. Ces vues lui firent plus d'effet, quel animal pitoyable était-il devenu ? Puis vint la goutte d'eau, une image où il tuait celle dont il était tombé amoureux. Il s'en trouva désorienté malgré sa demi-conscience.

Le roux se posait des questions mais à quoi bon se poser des questions auxquelles on ne trouve aucune réponse ? A part douter de soi-même, des autres et du reste, cela ne servait à rien. Quelque chose le sortit de ces interrogations, quelqu'un était en train de bander ses plaies, il le sentait à travers le sommeil artificiel. Une seule odeur envahissait la pièce, l'odeur de Lyz donc c'était elle qu'il avait sentie un peu plus tôt sans pouvoir la reconnaître. Des sensations lui revenaient comme une immense douleur qui provenait de toutes les parties de son corps de vampire. Qu'est ce que l'homme qu'il avait entrevu pendant quelques instants lui avait fait ? Et dans quel but ? Seul celui qui l'avait maltraité ainsi pouvait répondre à ces questions mais son odeur avait disparu. Était-il mort ? Ou bien s'était-il enfui ? Dans cet état, il ne pouvait le savoir donc il attendrait.

Le parfum que dégageait son amie s'éloignait, où allait-elle ? Dans quel but ? Pour répondre à ces interrogations, le vampire tenta d'ouvrir les yeux. Impossible, cela lui était impossible. Cela le faisait enrager d'entendre, de sentir mais de ne pouvoir rien faire tel un spectateur des scènes et encore, un spectateur aveugle vu qu'il n'arrivait même pas à ouvrir les yeux ... Doucement, il essaya de retrouver l'odeur de son invitée qui était à présent dans la forêt voisine de son manoir. Une douce odeur l'accompagnait, une odeur d'animal avec une nuance assez noble. Il n'arrivait pas à identifier l'animal mais à quoi bon, cela ne lui servirait pas à grand chose de savoir quel animal la vampire avait égorgé pour boire son sang ... Apparemment, son amie était en train de revenir s'il suivait son odorat.

Les doux sons des pas de la jeune femme et la senteur ensanglantée qui l'accompagnait indiquèrent au noble qu'elle se trouvait dans la chambre, près de lui. Étrange, l'odeur de son sang ne faisait que s'intensifier ... Elle était donc blessée et profondément vu la quantité de sang qui s'échappait de la plaie. Cela ne collait pas avec l'image que Lyz portait sur elle, ces blessures ne pouvaient tout simplement pas être aussi profondes qu'elles ne le paraissaient mais alors, pourquoi saignait-elle autant ? Masaki essaya de repérer une autre odeur qui pourrait lui accorder un indice et il trouva quelque chose qui ressemblait à un agent hémorragique ... C'était donc cela ! C'était à cause de ce produit qu'autant de sang s'échappait de ces plaies si peu profondes.

Son amie le déplaçait, il pouvait le sentir. Où l'emmenait-elle ? Dans une autre chambre ? Hors de son manoir ? Il attendit pour connaître la réponse. Les pas de la jeune femme résonnaient dans les couloirs vides et sa respiration marquait un rythme. Il se sentit déposé dans un lit qu'il connaissait, c'était un lit en bois qui était installé dans une des nombreuses chambres d'amis que comptait son manoir. La vampire sortit de la pièce. Ne se posant pas de questions, le jeune homme suivit son odeur et ses pas en utilisant les quelques sens qui lui restaient fidèles. Elle allait dans une des quelques salles de bains qui étaient installées dans sa demeure. Il entendait l'eau tomber sur le sol de la douche et sentait le sang qui accompagnait cet élément essentiel à toute vie. Il suivait chaque mouvement de son amie en utilisant son odeur qui lui permettait de la repérer, elle était en train de se laver et elle était rapide dans ses gestes comme si elle se pressait de retourner aux côtés du blessé.

Après s'être douchée, Lyz bandait ses quelques blessures et elle mit un peignoir, nue sous celui-ci. Ensuite, elle retourna dans la chambre aux côtés de son protégé. Elle déplaça un fauteuil qui était à côté de la fenêtre pour le poser près du lit où le jeune vampire était allongé. Celui-ci commençait à retrouver quelques forces qui lui permirent d'ouvrir les yeux afin qu'il puisse voir son amie s'effondrer sur le sol, inconsciente. Au lieu de s'inquiéter, le jeune homme salivait de tout ce sang qui avait traversé les bandages ... Sa faim ressortait et il se précipita sur la vampire. Longuement, il lécha le cou de celle-ci et ouvrit lentement la bouche laissant apparaître d'énormes crocs. Ceux-ci se rapprochaient de plus en plus de là où ils allaient être plantés.

Masaki se ressaisit et s'éloigna très vite de la jeune femme. Qu'était-il sur le point de faire !? Allait-il la mordre !? Comment pouvait-il faire cela ? Après tout ce qu'elle avait fait pour lui, il allait la mordre afin de boire son sang et peut être la tuer inconsciemment à cause de son instinct !? Pour s'enlever cette idée de la tête, il la souleva délicatement et la déposa sur le lit puis, il sortit de la pièce afin d'aller chercher une serviette pour la mettre sous la blessure que son sang ne tache pas trop le lit. Une fois ceci fait, il ressentit cette douleur qui vient le hanter à chaque fois qu'il est en manque de sang. Ne la supportant plus, il s'effondra sur le sol à côté du fauteuil.

Quelques petits cris de douleur se faisaient entendre. Le vampire avait l'impression de brûler de l'intérieur et il se tordait sur le sol résistant à son instinct pour ne pas attenter à la vie de son invitée. Des images vinrent également le hanter, ces souvenirs qu'il avait enfouis au fond de sa mémoire dans un coin et qui ont ressurgi. Cette torture à la fois physique et mentale dura quelques longues heures qui parurent être des mois. Doucement, les forces qu'il avait retrouvées le quittaient et une fois la nuit tombée, il était inerte sur le sol. Il n'arrivait plus à bouger même si la douleur persistait. Il était tellement faible qu'il n'avait pas repéré une personne qui se trouvait dans un des coins de la pièce. Sa vue se troublait et ses yeux se fermèrent lentement.

On le transportait ... C'était tout ce qu'il savait presque instinctivement, on le transportait. Où ? Il ne connaissait pas la réponse à cette interrogation ... Et Lyz ? Qu'advenait-il de son invitée ? La transportait-on également ? Allait-elle mieux ? Ses idées s'embrouillaient à nouveau ... Du sang ... Du sang coulait à l'intérieur de sa gorge ... Il appartenait à la vampire, il en était certain. Quel arôme délicat, il coulait aisément dans sa gorge afin de le nourrir ... Mais, ce n'était pas son amie qui lui donnait son propre sang, c'était une autre personne ...

Tout était désert sous le soleil agonisant à l'horizon. Les ténèbres, victorieuses, s'imposaient dans le ciel, marquant définitivement la défaite de la lumière. Aucun nuage ne venait apporter sa pureté sur le dôme qui noircissait toujours plus. Rien. Il n'y avait rien, rien de plus que quelques montagnes dans le lointain horizon, tellement petites et éloignées qu'elles se distinguaient à peine. Le sol de terre dure, recouvert par une mince couche de sable blanc, s'étendait à perte de vue, sans même nourrir le plus petit végétal. Pas la moindre herbe, encore moins d'arbustes et d'arbres, tout était désert, vide, mort. Il n'y avait pas de vent, pas la plus petite brise, si bien qu'aucun grain de sables ne bougeait. Tout était parfaitement immobile.
Cependant, une silhouette. Seule trace de vie visible en cet endroit. Une silhouette petite, fluette, marchait difficilement dans la chaleur étouffante et stagnante. Elle possédait de longs cheveux bruns emmêlés, de rouges yeux pourtant cernés et une robe en théorie plus rouge que le sang, cependant, elle était déchirée et grise de poussière. Cette silhouette peinait , elle avançait, dos au soleil, en direction d'une étoile, une unique étoile d'une blancheur pure, une étoile salvatrice.
Au loin, des aboiements se firent entendre. Un seul animal, tout d'abord, puis deux, puis trois, puis des dizaines, des centaines, des milliers. La silhouette pivota sur elle-même, à la recherche de la provenance des cris, mais ils venaient de partout à la fois et se rapprochaient. Elle continua de chercher les animaux, mais c'était peine perdue. Ils n'existaient pas.
Pourtant, les aboiements se rapprochaient. Lentement, tout d'abord, puis de plus en plus rapide, la rumeur arrivaient sur la silhouette apeurée qui tenta de prendre la fuite. Elle courut aussi vite que possible en direction de son étoile, les yeux ronds de terreur, les bras tendus vers sa blancheur. C'était inutile. Les aboiements furent sur elle. La silhouette tenta de se protéger de ses bras, elle se boucha les oreilles, s'écroula au sol, se releva tant bien que mal et reprit sa course effrénée vers l'étoile.
Puis le sol s'ouvrit sous ses pieds, et la silhouette sombre dans l'abîme affamé qui n'attendait qu'elle.

* * *

Faible... sa faiblesse était évidente. Elle était transportée dans les bras d'un mâle, au vu de l'absence de poitrine, qui n'était qu'un simple humain. Il sentait mauvais, pas de cette odeur écoeurante qu'arborent tous les humains, mais une odeur bien pire encore. Elle déplaça sa main avec une lenteur et une faiblesse affolante, mettant plusieurs secondes à atteindre son flanc droit. Le membre se retrouva alors couvert d'une substance visqueuse, collante et chaude. Elle saignait toujours. L'homme qui la tenait lui frappa la main.

''Ttt!!! Laisse ça. On en a besoin.''

La jeune femme laissa retomber le membre, bien qu'elle ne ressentît pas de douleur, tandis qu'on lui prélevait du sang au niveau de sa blessure. Tout était flou, elle n'arrivait pas à penser, elle ne savait même plus si elle était bien elle-même, ni où se séparaient le rêve et la réalité. N'était-elle pas seule, en train de tomber dans un profond abîme? Réflexion faite, elle ne savait pas ce qui était préférable. Être dans les bras de cet humain prétentieux et agressif ou bien en train de tomber au centre de la Terre, en espérant que la chute eût une fin. Son esprit comme son corps semblaient atrophiés, et elle savait que sa faim avait atteint son paroxysme, sans qu'elle ressentît toutefois la douleur caractéristique à cette sensation.

* * *

Elle tombait, indéfiniment. Elle s'éloignait de la surface redevenue claire, comme si, une fois qu'elle avait disparu, tout redevenait, comme si le jour avait repris le dessus sur les ténèbres. Elle voyait le ciel blanc, d'un blanc sale, qui avait dû annihiler la lumière de l'étoile pure, de son étoile. Une douleur la transperça au flanc droit, et elle vit s'élever dans les airs un filet de sang régulier. À vrai dire, il ne s'élevait pas, mais tombait plus lentement qu'elle.

* * *

Soudain, la vampire se redressa et passa ses bras autour du cou de l'humain qui la portait. Cela la répugnait, mais elle en avait besoin. Elle posa sa tête sur l'épaule de l'homme qui fut surpris, cependant, ne voyant aucune agression de la part de la jeune femme, mais juste une occasion de se fournir un peu de plaisir plus tard, il la laissa faire. Grossière erreur. Le souffle chaud de Lyz atteignait l'homme dans le cou, et il continuait de marcher, sans méfiance. Après un petit sourire, la jeune femme planta sauvagement ses crocs dans la chair de l'homme, produisant un craquement sinistre. L'humain se raidit, mais il était trop tard.

Le liquide infect et peu nourrissant lui coulait dans la gorge. La vampire se força tout de même à avaler, reprenant peu à peu de l'énergie. Elle ne réagit même pas lorsqu'il tomba à terre, tant elle était concentrée pour ne pas recracher cette infection au goût plus acide et peu ragoûtant qu'autre chose. Cependant, lorsque l'homme fut vidé de son sang, la jeune femme n'avait pas repris un quart de ce dont elle avait besoin.

Elle se précipita vers un autre homme, aussi un humain, les bras tendus, et l'étreignit contre elle. Par le même procédé, il mourut parce qu'il ne restait plus une seule goutte de sang dans son enveloppe charnelle.

Pas assez, ce n'était toujours pas assez. Il lui en fallait plus. Plus de sang, de la vie, voilà ce qu'il lui fallait. Un troisième homme marchait. Il tenait quelque chose dans ses bras, mais peu importait à Lyz, il lui fallait du sang. Encore du sang, toujours plus de sang. La vampire salivait, et elle se déplacer sans plus tenir compte de sa faiblesse ni de sa blessure. Elle était devenue une bête sauvage. Non, plus, elle était devenue un monstre, assoiffé de sang. Elle avait perdu toute sa noblesse et une lueur folle s'était allumée dans son regard. C'était cette lueur qui lui donnait cette force, peu significative pour un vampire, mais énorme pour un humain.

Le troisième homme tomba à la renverse lorsqu'elle l'attaqua, et elle le vida comme elle l'avait fait pour les deux autres avant. Ce sang n'avait aucun goût, aucun arôme. Seule l'odeur âcre de l'humain relevait la fadeur de son sang. Un grognement s'échappa de la gorge de la vampire alors qu'elle achevait à la fois sa besogne et sa victime. Elle avait bu environ dix-huit litres de sang humain, mais ce n'était toujours pas suffisant. Elle se tourna alors vers le fardeau du dernier homme qu'elle avait attaqué.

C'était un être vivant, un hominidé au bord de l'abîme de la mort. Découvrant ses crocs en un sourire cruel et bestial, elle s'avança vers l'être. Son visage, ses cheveux de feu lui étaient familiers, mais peu importait à la bête. Une goutte de sang avait coulé de la commissure des lèvres de sa future victime. Elle le lécha et s'arrêta un instant, surprise du goût de ce liquide. Elle venait de goûter son propre fluide vital, celui qui s'écoulait par son flanc. Furieuse, elle découvrit ses canines et se rua sur le vampire inconscient qui lui avait volé son sang. Elle se retrouva à quatre pattes au dessus de lui qui se trouvait sur le flanc, se pencha jusqu'à ce que son souffle atteignît le cou du vampire et s'affala de tout son long sur lui, inconsciente.

Elle n'avait même pas remarqué qu'elle se trouvait en plein centre ville de New York, dans une ruelle sombre, devant l'entrée d'un laboratoire inconnu du monde entier, sauf de ses scientifiques et de ses sujets...

L'odeur de sang troubla le sommeil de Masaki, quelque chose était enfoncé dans son cou ... Doucement, il ouvrit les yeux remarquant une tête posée sur son épaule. Sa vue se précisa peu à peu et de longs cheveux blancs se reposaient sur lui tandis que la jeune fille à qui ils appartenaient était en train de boire son sang. Il n'avait pas la force de parler, il était trop faible donc il ne bougea pas, attendant qu'elle ait fini de s'abreuver. Il le sentait, ce liquide rouge qui coulait dans la gorge de cette vampire, il aurait préféré qu'elle fut Lyz mais bon, il ne sentait son odeur nulle part donc elle était loin.

La jeune fille releva sa tête et remarqua que le rouquin était réveillé. Un léger filet de sang, qui était de la même couleur que ses grandes yeux, coulait lentement de sa bouche qui esquissa un sourire. Doucement, la main blanchâtre de la vampire caressa la joue pâle de l'aristocrate. A cet instant, il commença à retrouver quelque sensation du toucher. Des menottes entravaient ses poignées mais elles semblaient plus solide que tout métal auquel il eut affaire jusqu'à présent. Il était allongé sur un lit dont les draps étaient extrêmement doux et les oreillers étaient très confortables, comme si la personne qui l'eut attaché là aie quelque souci de son confort. Cela lui paraissait étrange que quelqu'un qui l'attache se soucie de son confort mais bon, des gens étranges, il y en a tant ...

La main de cette jeune fille était glaciale, on croirait qu'elle sortait d'un réfrigérateur ou d'un endroit où le froid régnait ... Son sourire était magnifique mais il avait quelque chose d'effrayant qui fit frissonner le rouquin. Cette fille était vraiment étrange et le pouvoir qui émanait d'elle n'était pas très bon signe pour lui ... Les yeux du jeune homme tendaient à se fermer tant il était fatigué. Du sang coulait de l'endroit où la fille avait mordu et celle-ci le lécha longuement, comme une louve léchant ses petits pour les nettoyer. Elle se redressa légèrement, elle était à présent assise sur lui. Doucement, son visage se rapprocha de celui du noble jusqu'à ce que leurs lèvres se touchent. Même ses lèvres étaient froides ...

Elle se recula à nouveau pendant que l'aristocrate tenta d'articuler quelques mots :

-Où est ... Lyz ...

Le sourire gelé de la jeune fille revint se poser sur ses fines lèvres mais elle ne répondit pas à sa question, elle lui donna une réponse légèrement envoûtante ...

-Chut, oublie-la ...

Le jeune homme sentait ses paupières se fermer malgré lui, à travers les quelques battements de paupières qu'il arrivait à maintenir, il la voyait se rapprocher puis il ne vit plus rien et sentit un baiser glacial sur sa fine bouche. Un frisson le parcourut avant qu'il ne tombe dans l'abysse qu'est le sommeil.

On le portait ... Un homme le portait ... Il n'arrivait malheureusement pas à ouvrir les yeux donc il éveilla tous ses sens pour essayer de se situer. Il était dans une petite ruelle dans les bras d'un humain. Il y avait aussi plusieurs odeurs de sang répugnantes. Et l'odeur d'une jeune femme, l'odeur de Lyz. D'abord, le jeune homme tenta d'ouvrir les yeux mais en vain puis, il écouta et sentit ce qu'il se passait. La vampire était en train de tuer plusieurs personnes et de boire leur sang mais a priori, cela ne lui suffisait pas et elle se rua sur l'humain qui portait le rouquin qui tomba à terre. Lentement, elle était en train de vider l'humain de son sang.

Le rouquin ouvrit les yeux juste à temps pour voir la jeune femme qui se ruait sur lui alors qu'il était allongé sur le flanc. Elle était à quatre pattes au dessus de lui, son souffle chaud caressait doucement la peau de son cou. Puis la vampire s'affala de tout son long sur lui, inconsciente. Lentement, il se mit sur le dos et s'assit, tenant Lyz dans ses bras. Lentement, il se releva portant toujours la jeune femme. Il porta son regard sur elle, elle semblait vraiment sans défense pendant son sommeil, elle était si belle ... Le jeune homme entreprit d'entrer dans le laboratoire devant lequel il était.

Une fois devant la grande porte en verre, celle-ci s'ouvrit automatiquement comme une porte de supermarché et le rouquin entra. Les murs et les sols étaient d'un blanc exagéré, un blanc peu naturel. De toute façon, les humains ne savaient que déformer la nature pour l'enlaidir. Plusieurs portes étaient disposées à gauche et à droite dans les couloirs et Masaki avançait dans ce grand couloir blanc. Soudain, il vit un homme sortir d'une porte qui était à quelques mètres de lui. Celui-ci, pris de panique sortit une sorte de téléphone et commença à composer un numéro en vitesse. Malheureusement pour lui, le vampire se servit de la flamme qui se trouvait dans une lampe pour le brûler vif. Quel dommage ...

Après une marche de plusieurs dizaines de minutes, il s'arrêta devant une chambre qui lui paraissait familière. Il avait une impression de déjà-vu mais il entra quand même. Ce lit ... Avec ces menottes ... Il n'avait pas de doutes, c'était celui où il s'était retrouvé attaché. Donc il posa Lyz, assise, sur celui-ci. Doucement, il enleva sa veste et repoussa ses manches vers ses coudes. Il posa son genou gauche à la droite de la vampire et son genou droit à sa gauche il était donc à genoux au dessus de ses jambes tandis qu'elle avait sa tête posée sur le mur avec un oreiller derrière pour le confort.

Lentement, il leva son poignet droit et croqua sa peau ce qui produisit un son strident. Doucement, il commença à remplir sa bouche de son sang et rabaissa son poignet. Ses lèvres se rapprochaient des lèvres de Lyz jusqu'à ce qu'elles les touchent. Le liquide coulait dans la gorge de la jeune femme, il l'entendait glisser aisément. Un filet de sang coula le long de la joue de la vampire tandis que leurs lèvres se détachaient. Le rouquin s'aperçut qu'il avait fermé les yeux pendant ce court instant donc il les rouvrit et remarqua qu'elle avait repris des couleurs même si la couleur naturelle de sa peau était très pâle. Il recommença donc plusieurs fois, au moins deux fois, il ne comptait pas car chaque baiser le remplissait d'émotions trop compliquées à décrire.

Quand il eut finit de la nourrir, il lécha vigoureusement la morsure qu'il s'était faite au poignet, là où les veines sont visibles. Il était en train de sortir du lit quand soudain, il remarqua une odeur à la porte. Rapidement, il regarda qui c'était et c'était la jeune fille aux cheveux blancs et aux yeux rouges qu'il avait vue précédemment. Quand son regard heurta le sien, il sentit sa tête exploser, il sentait des flammes consumer son corps et des coups donnés aléatoirement dans toutes les zones de son corps. Il tomba à terre de douleur, se tenant les côtés et remuant faiblement. Puis, la douleur s'arrêta en même temps que ses mouvements. Il était paralysé, et il pensait que la jeune fille aux cheveux blancs avait quelque chose à voir là-dedans.

Il l'entendait, cette jeune fille aux yeux rouges, il l'entendait prononcer quelques paroles ...

-Je t'ai repéré dès ton réveil et toi, tu préfères lui donner ton sang plutôt qu'à moi ... Méchant ...

Le roux sentait des coups dans son estomac mais rien ne le frappait, comment était-ce possible ? Il était sur le sol, sur le sol et ses yeux tendaient à se fermer mais il résistait tout de même. La jeune fille aux cheveux décolorés s'approcha et le chevauche, soulevant sa tête par derrière. Elle approcha ses lèvres des siennes en chuchotant juste avant que leurs lèvres n'entrent en contact :

-Dors ...

La rouquin sentit une force l'entraîner vers le sommeil et il la suivit, sans résister.

Lyz se réveilla en sursaut. Elle se sentait mieux, même si le sang coulait toujours autant de son flanc. Elle ne réussit pas toutefois à ouvrir les yeux dès son réveil. Comment pouvait-elle se sentir mieux? Et quel était cet arôme à la fois doux et épicé? Était-ce ce qu'elle pensait? La vampire se souvenait de cet instant, il restait gravé en sa mémoire. Mais n'était-ce pas son imagination qui lui jouait des tours? N'avait-elle pas seulement rêvé de cet instant, et, à son souvenir, le goût ne s'était-il pas rappelé à elle, tel une réminiscence obligatoire de cet événement qu'elle considérait comme majeur dans sa vie?

Elle sentit une traînée froide le long de sa joue gauche. Elle partait de la commissure de sa lèvre et allait bientôt atteindre le cou. Son état avant d'être plongée dans le ''sommeil'' lui revint soudain, ainsi que ses action, et ce qu'elle s'était préparée à faire. Ce n'était pas un rêve... Ses yeux s'ouvrirent soudain, et deux larmes s'en échappèrent en même temps, parfaitement symétriques. Avec le bout du doigt, elle essuya la goutte de sang et la déposa sur sa lèvre avant de la goûter du bout de la langue. C'était bien celui de Masaki. Elle avait osé, elle l'avait fait, et jamais elle ne se le pardonnerait. Était-il seulement en vie?

'' Dors...'' Fit une voix féminine qu'elle ne connaissait pas.

Lyz se redressa. Elle s'en voulait tellement qu'elle était d'humeur massacrante, et il n'était pas temps pour qui que ce fut de venir l'importuner. Surtout qu'elle avait déjà bien trop ''dormi''. La scène qu'elle contempla alors la remplit d'effroi. L'ordre n'était pas pour elle, mais pour quelqu'un d'autre. Une personne sur laquelle se trouvait à cheval une magnifique créature aux cheveux blancs qui cachaient le visage de son compagnon, et aux yeux rouges, un peu comme une albinos. Ladite créature était en train de l'embrasser sauvagement, et la crinière rousse de la personne ne bougeait pas: elle ne répondait pas, mais ne se débattait pas non plus. Un cri, à peine audible, et ce même pour un vampire, et c'est précisément ce qu'était la jeune femme qui embrassait son Ma... enfin, Masaki tout court.

'' Mais...''

La jeune femme releva la tête, et sourit, d'un petit air cruel. Lyz baissa les yeux devant celle que le vampire avait choisie, constatant au même instant que ce n'était pas vraiment un choix, que le vampire n'était pas conscient. Alarmée, elle fit un geste en avant déployant instinctivement sa conscience. Ce fut un bon réflexe, car la vampire se mit entre elle et son ami, enfin... celui auquel elle ne savait attribuer de statut actuellement.

Cependant, l'autre femme ne connaissait pas le pouvoirs de Lyz, et ceci lui permit de savoir que, bien que complètement endormi, le vampire était encore en vie. Elle ne fit rien voir, feignant de n'avoir en rien remarqué la vie qui vibrait encore, doucement mais sûrement, dans le cœur de Masaki.

'' Espèce de sale petite...''

Ce cri lui avait échappé alors qu'elle avait vu l'âme complètement noircie de pêchés de la vampire. Cela ne gênait en rien son ''camouflage'', puisque l'image d'un être cher mort pouvait déclencher ce genre de réactions. Lyz se précipita vers la vampire, qui était fière de cette âme noircie, de ce cœur empli de Mal et qui ne méritait que le châtiment. Elle représentait le summum de ce que la vampire s'était toujours promis d'annihiler. Elle n'avait pas le temps de chercher Kaimetsu, ni aucune de ses dagues, qui, de toute manière, devaient lui avoir été confisqués. Elle avait les mains en avant, prête à étrangler son adversaire à défaut de pouvoir lui arracher le cœur, mais se trouva stoppée net par quelques mots.

'' Ne bouge plus.''

Lyz ne pouvait plus remuer ne fut-ce le petit orteil. Elle leva les yeux vers l'autre vampire qui arborait un petit sourire satisfait. Elle s'approcha, caressa la joue de Lyz qui ne put retenir un frisson d'effroi. La vampire eut un petit rire froid, et son regard vint se planter dans celui de Lyz.

'' Que ferais-tu si je t'embrassais, tout de suite?'' Fit-elle avec un sourire emprunt d'auto satisfaction.

'' réponds!''

La voix de Lyz sortit toute seule, sans qu'elle pût faire quoi que ce fut.

'' Comme dans toutes les autres circonstances, je te tuerais.''

'' Mauvaise réponse...'' Répondit doucement la vampire.

Elle plongea la main dans la blessure encore ouverte de Lyz, l'approfondissant un peu plus. Puis, elle porta sa main couverte de sang à ses lèvres, lécha une goutte et cracha par terre. Elle tourna le dos à Lyz en faisant onduler sa crinière qui était aussi pure que son âme était noire.

'' Comment as-tu fait? Personne n'avait jamais survécu à la Pieuvre avant. Quel est ton secret? Réponds.''

De nouveau, les mots coulèrent seuls de la bouche de Lyz.

'' Je ne sais pas... je ne savais même pas que ses attaques étaient mortelles.''

'' De toute manière, reprit la femme aux cheveux blancs avec un nouveau rire glacial, tu mourras d'ici peu, même si je te laisse libre de tes actes. Son agent anti-coagulant n'a pas de remède connu à ce jour. Je vais te laisser te battre, juste pour te voir atteindre ta limite et rire de toi pendant que tu crèveras comme une chienne. S'en suivit un petit instant de silence. Tu l'aimes, hein? Réponds.''

'' Je... je ne le sais pas vraiment, je... je crois que oui...''

'' Bien, alors un dernier petit supplice avant que je te libère. Je vais le torturer, jusqu'à ce que tu en crève!''

Un éclat nouveau s'alluma dans les yeux de Lyz. Elle ne pouvait pas laisser faire ça. Elle avait déjà mordu Masaki, elle lui avait volé son sang alors qu'il était faible, elle ne pouvait pas le laisser tomber à cet instant! Elle tenta de bouger de toutes ses forces, mobilisa toute sa conscience dans ce but, et finit par réussir à bouger l'oreille gauche. Cependant, elle n'était pas certaine de réussir à se battre avec cette seule partie de son corps.

'' Je m'appelle Anabelle, mais tu peux m'appeler Belle. Retiens bien ce nom, c'est celui de l'être qui va mettre fin à vos jours à tous les deux.'' Fit la femme aux yeux rouges en s'approchant de plus en plus de Masaki. '' tourne toi afin de bien voir la scène, mais ne t'approche pas.''

Forcée, Lyz s'exécuta. Anabelle s'approchait de plus en plus de Masaki, elle sentait l'âme noire se diriger, conquérante, vers l'âme blanche, et elle n'avait pas les moyens de l'arrêter. De toutes ses forces, Lyz essaya de bouger, de la stopper, mais rien n'y faisait. Dans une dernière tentative, elle déploya sa conscience et entoura l'âme de son ennemie qui se baissait et qui, d'un ongle, commençait à trancher la peau du vampire. Puis, certaine de la vanité de son action, Lyz tenta d'absorber l'âme de Belle.

À défaut de réussir à l'absorber, elle l'engloutit.

Le corps d'Anabelle tomba sur celui de Masaki, et Lyz se précipita vers eux pour éloigner l'ordure de la pureté innocente. Ce fut une tâche difficile, car, sans qu'elle s'en fût rendu compte, son sang coulait toujours plus de la plaie désormais agrandie. Allait-elle réellement mourir? Peu lui importait, elle l'avait mérité. Elle avait souillé Masaki en lui volant son sang, elle ne méritait plus la vie. Elle prit le vampire dans ses bras. La tête de ce dernier se cala sur sa poitrine, et de fut ainsi qu'elle se rappela qu'elle était toujours nue sous son peignoir...

Lyz déposa délicatement Masaki sur le lit, et se prosterna par terre, attendant qu'il se réveillât et murmurant toujours le même mot de plus en plus faiblement, jusqu'à perdre de nouveau conscience suite à la perte trop importante de sang.

''Pardon... Pardon... Pardon...''

Où était-il ? Qu'étaient ces flammes rougeâtres qui l'entouraient et qu'il n'arrivait point à contrôler ? Ce n'était pas crédible, son don était de maîtriser le feu mais celui-ci passait largement entre les mailles de son filet. Tout ce qui l'entourait n'était fait que de cendres, de rochers et de lave. Était-il en enfer ? Bah, après tout, ça ne pouvait pas être pire que sa vie sur Terre. Tout cela à cause d'une coupure partie de bonne volonté ... Ça lui a appris à être aussi gentil et insouciant ! Cette blessure superficielle l'avait changé en monstre assoiffé de sang. Au début, il arrivait à peu près à se contrôler et ne tuait que des jeunes filles qui ne méritaient ni la vie, ni leurs possessions, ni même leur statut social. Ah, ces personnes qui avaient un mari et trois amants, celles-ci même qui utilisaient leur argent pour donner de grandioses réceptions derrière lesquelles se cachaient quelque crime ou vol, ces femmes qui avaient autant d'argent que d'hommes dans leur vie. Elles le répugnait, comment pouvait-on être malhonnête à ce point ? Dans quel but ? Pour avoir quelque plaisir sexuel ? Quelle raison égoïste et idiote ...

Quand il n'eut plus assez de ces immondes créatures pour se nourrir, il commença à s'attaquer à des personnes qu'il ne connaissait pas ou peu. Tout était bon pour se nourrir, des mendiantes qui trainaient dans la rue, des servantes de quelque noble qui avait organisé une soirée où le rouquin était invité et même quelques petits animaux qu'il ne portait pas vraiment dans son cœur enfin, qu'il n'aurait pas porté dans son cœur s'il en avait jamais eu un ... A partir de cette période, il se considéra comme un monstre enlevant la vie à tout ce qui pouvait le nourrir, égorgeant des femmes qu'il n'avait jamais aperçues auparavant, éventrant quelques bêtes qui avaient leur place dans leur habitat. Seul lui n'en avait pas, prédateur de tout espèce même de sa propre race.

Plus le temps s'écoulait, plus la situation s'empirait aux yeux du jeune homme. Il tuait de plus en plus et l'écart entre les massacres était de moins en moins important. Cela l'inquiéta au plus haut point. Il ne trouvait plus le sommeil donc la nuit, il réfléchissait longuement à sa situation actuelle. Niveau comportemental, il n'était plus humain c'était indéniable, il avait tout d'une de ces chauves-souris qui s'abreuvent de sang que l'on voit dans les livres. Mais côté physique, il n'avait pas changé, ses cheveux étaient toujours roux et ses yeux restaient d'un brun légèrement orangé. Sa partie humaine était toujours présente bien que dominée de plus en plus souvent par le vampire affamé. Il ne comptait même plus les victimes qu'il y avait à déplorer par sa faute ... Pourquoi, lui, Masaki Kuroda, avait-il cette dépendance au sang absente chez tous les autres membres de sa famille ? Cela restait et restera toujours un mystère pour ce pauvre aristocrate ...

De l'eau coulait sous les ponts, les arbres continuaient leur longue croissance tout comme lui. Il arrivait tout de même à vivre "normalement" en faisant abstraction de ces moments de terreur où il buvait le sang d'autrui afin de combler le manque qui s'était créé depuis la dernière absorption de ce liquide rouge. Il continuait son éducation avec un professeur renommé dans sa région à l'époque. Il lui parlait littérature, économie, relations humaines et tout cela l'intéressait grandement. Donc, il faisait sa vie à côté de cette dépendance pour le sang. Il pensait pouvoir s'y habituer pour essayer de contrôler légèrement cette envie irrésistible jusqu'au jour où ...

Ce jour-là, sa meilleure amie d'enfance dont il était légèrement était venue lui rendre visite. Elle avait quelques années de plus que lui mais ça ne l'empêchait pas de lui trouver un petit quelque chose de magique. Elle était toujours joyeuse, cela lui remontait souvent le moral. Ses cheveux étaient d'un noir bleuté et ses yeux étaient plus bleus que l'océan même. Elle était vraiment magnifique, autant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Il lui avait même confié sa situation délicate entre le statut de vampire et d'humain et elle, avait simplement souri en lui rappelant qu'elle serait toujours là pour lui. Même si cela devait faire la centième fois qu'elle le disait, entendre ces mots étaient toujours aussi agréable que la première fois, peut être même plus.

Cet après-midi, il avait ressenti le besoin de se nourrir donc il avait essayé de la fuir mais elle refusait cette idée, s'il avait besoin de sang, elle préférait même qu'il la mordît pour étancher sa soif. Lui, luttant contre ce besoin, essaya de fuir mais elle avait verrouillé la porte de la pièce. Dangereusement, elle s'approchait de lui le faisant tomber à la renverse sur le lit. Effrayé, il n'était même pas capable de faire quelque mouvement. Qu'est ce qui lui faisait peur ? Eh bien, l'attitude de son amie et, également, l'horrible soif qui le dévorait de l'intérieur. Lentement, elle défaisait les quelques boutons de sa veste qui cachaient la peau délicate de son cou et elle approcha, chevauchant le jeune homme en se penchant sur lui. Sa douce main souleva la tête rousse, collant les fines lèvres à son cou. Le vampire, se laissant emporter par son instinct, croqua la peau de la jeune fille comme s'il eut croqué une pomme bien ferme. Un son similaire fut produit.

Le sang envahissait lentement la bouche du jeune homme, il avait un goût fabuleux. Il était fruité, sucré, doux, parfait. Quelques gorgées suffirent à calmer sa soif et il repoussa son amie en lui souriant. Elle paraissait épuisée, donc à son arrivée, elle était déjà fatiguée et cela ne fit qu'empirer la situation. Il la ramena chez elle, en voiture et la déposa sur son lit, dans sa chambre. Le lendemain matin, Masaki apprit qu'elle avait été tuée dans la nuit, pendant son sommeil. Effondré, il se demanda ce qu'il s'était passé, s'accusant d'être retourné près d'elle pour achever le travail commencé plus tôt.

En sursaut, le jeune homme se réveilla en se redressant presque simultanément. Sa respiration était saccadée mais il parcourut quand même la pièce du regard. Il aperçut, sur le sol, Lyz. D'un bond, il se leva avec l'impression d'avoir retrouvé toutes ses forces. Il s'approcha de son amie qui gisait sur le sol, tachée de sang. Lentement, il la souleva et la porta jusqu'au lit dans lequel il l'installa. Le jeune homme se posa près d'elle, sous la couverture, la serrant contre lui pour ressentir la chaleur de son corps et les battements réguliers de son cœur. Quelques larmes coulèrent de ses yeux rouges et il commença à déballer sa vie à la vampire qui lui paraissait inconsciente.

-Durant toute ma vie, je n'ai été qu'un monstre soumis au besoin de boire du sang et tout cela, à cause d'une simple coupure. Au début, je contrôlais plus ou moins ce besoin, ne tuant que les femmes que j'estimais aussi noires que celle qui gît en ce moment même sur le sol. Mais plus le temps passait, plus je perdais ce contrôle et je commençais à tuer des animaux innocents et des jeunes filles dont je n'avais jamais vu le visage auparavant. Ma situation se dégradait du moins, à mes yeux. J'étais entre le statut du vampire que j'étais devenu moralement et le statut d'être humain que j'étais physiquement. Jusqu'au jour où j'ai commis l'irréparable, j'ai tué la personne que j'aimais, froidement, pendant son sommeil. Je ne suis qu'un monstre, je ne mérite même pas que vous m'ayez mordu pour boire mon fluide vital qui doit être aussi noir que du charbon. Lyz, je ne veux pas vous perdre car j'ai l'impression de ressentir ... De ressentir des sentiments spéciaux envers vous ...

Ces quelques moments de sa vie déballés, il pleura silencieusement, toujours contre la vampire.

Lyz n'avait plus des sens de l'équilibre. Où étaient le haut, le bas, le milieu, elle n'en avait pas la moindre idée. Elle se sentait molle, elle n'avait qu'à peine conscience de son propre corps, ce n'était pas pour avoir conscience de ce qui l'entourait. Elle avait ouvert les yeux, l'espace d'un instant, mais tout était si effrayant, flou, tournant et virevoltant devant elle, qu'elle avait dû baisser de nouveau ses paupières protectrices sur ses deux rubis. Qu'était-ce que ce monde inconnu, ce monde dans lequel elle n'avait pas de place, ce monde en mouvement alors qu'elle n'aspirait qu'au repos? Était-ce cela, mourir?

La vampire tenta d'avaler sa salive et failli avaler sa langue, trop pâteuse, à la place et s'étouffer. Où était-elle? Toujours sur ce sol froid et sale, ou bien avait-elle été déplacée? Mou ou dur, elle ne parvenait pas à faire la distinction. Tout ce qu'elle savait, c'était que, au vu de son état, elle devait être étendue sur une surface, mais quelle était-elle? Du carrelage, ou bien un lit, ou même un siège de voiture... tout cela revenait au même. Elle se fut trouvée dans une marmite d'eau bouillante que la sensation eût été la même. Peut-être était-elle aux mains d'ennemis invisibles, ou bien Masaki s'était-il réveillé, ou encore était-elle restée dans la même position prostrée, s'étant seulement effondrée sur le sol dans sa perte de connaissance. Enfin, ce n'en était pas tout à fait une, puisqu'elle était consciente, et seulement incapable de bouger, palper et voir. Peut-être ses autres sens étaient-ils aussi handicapés, mais elle n'en avait pas encore ne fut-ce la plus petite idée.

Pour ce qui était de l'odorat, elle ne sentait rien de spécial, mais c'était peut-être normal, vu qu'elle ne savait pas où elle était. Et l'ouïe, qu'en était-il de celle-ci? Elle ne percevait rien de particulier, si ce n'était une respiration, peut-être un peu saccadée. Elle semblait à la fois proche et lointaine, comme si elle eût été difficile à percevoir. Qu'était-ce? Ou, plutôt, qui était-ce? Un allié? Un ennemi? Lyz ne le savait pas. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle était en train de sombrer, happée par une vague de froid.

Oui, le froid. Lyz le ressentait à présent. Le froid était la seule sensation qu'elle se sentait capable de ressentir, et, en un sens, cela ne la gênait pas. C'était donc bien cela, mourir. Les dires étaient véridiques, pour une fois. Le froid se répandait dans son corps comme se répand l'onde d'une goutte de sang tombée dans l'eau, en cercles, tout d'abord petits et ravageurs, puis plus larges et lents. Les cercles de froid intense partaient de sa blessure, ou du moins de l'endroit où elle se situait, puisque Lyz ne la sentait plus. Le froid, le froid intense, insupportable, inhumain. Mourir? Pourquoi mourir? Elle ne le voulait pas, finalement! Certes, sa vie n'était qu'une longue tragédie qui ne faisait que se répéter, mais elle y tenait, à cette vie, à ces éléments anciens et nouveaux, à ce qui lui prouvait que même une tragédie pouvait compter de petites parts de bonheur. Non, elle ne voulait pas, et, c'était décidé, elle ne mourrait pas ici, sans même savoir où elle était, dans quelle position, avec qui... Le jour de sa mort, elle ne l'avait pas encore décidé, et elle tenait à rester maître de cette échéance, un point c'est tout.

Le respiration. Elle devait se concentrer sur la maigre respiration à peine perceptible. Bien qu'elle pût être le complet produit de son imagination, cette respiration demeurait le seul souffle de vie auquel elle pouvait se raccrocher. Une inspiration, un instant, un expiration, une autre pause, une inspiration... et ce petit manège qui se répétait infiniment, inlassablement. La vie, le souffle, le souffle de vie. Elle en avait besoin de cette vie. Elle devait écouter, encore et encore, attendre. Attendre quoi? Une guérison spontanée, peut-être? Non. Une aide extérieure? Non plus. Attendre quoi? Elle ne le savait pas. Mais elle devait attendre, elle avait quelque chose à attendre, elle en était convaincue. Ce qu'elle attendait, l'attendait-elle de la vie? D'elle-même? De quelqu'un d'autre? Peu lui importait, elle avait quelque chose à attendre, une raison de vivre, de s'accrocher à la vie.

Et soudain, une voix. Une voix, tout comme la respiration, à la fois proche et lointaine. Une voix douce, remplie de sentiments, une voix qu'elle eût reconnue entre mille. Masaki. Elle ne comprenait pas tout, elle était un peu perdue. Les rares mots qu'elle comprenait s'enchaînaient apparemment sans logique apparente. Ce devait être un récit. Le ton de la voix l'indiquait, il n'était pas alarmé. Pas alarmé?!? Mais elle, Lyz Williams, l'atroce criminelle, Bloody Lyz, la femme aux vingt-trois coeurs, elle mourait! Masaki, lui, n'en semblait pas préoccupé! Que se passait-il? Elle s'était donc trompée sur le compte du vampire? C'était impossible, sa conscience ne l'avait jamais trompée! Que devait-elle faire, avait-elle vraiment quelque chose à attendre de la vie, si le spécimen le plus parfait de la bonté exempte de tromperie l'avait trompée? Non, elle n'avait rien à attendre, rien qui pût valoir le peine de souffrir.

Lasse, Lyz leva le bras droit, et, à bout de force, le laissa retomber sur la blessure qui se mit à couler plus encore, avant de sombrer profondément dans le coma.

[Ce n'est certes pas bien long, mais j'ai fait de mon mieux compte tenu de la situation difficile dans laquelle tu m'a laissée...]

Masaki sentit le bras de son amie bouger quelque peu puis retomber. Lentement, il le regarda et s'aperçut que la blessure saignait toujours. Étonné, il se redressa et sortit du lit. Comment cette plaie déjà datée pouvait-elle encore saigner ? Peut être ... Un anti-coagulant ! Il n'y avait pas d'autre possibilité, un anti-coagulant avait été répandu sur la plaie pour qu'elle ne cesse de saigner et comme Lyz était un vampire, celui-ci devait être extrêmement puissant. Le jeune homme s'accorda quelques minutes de réflexion, où trouver un produit pour permettre au sang de coaguler. Mais, ils étaient dans un laboratoire, il devait y avoir ce genre de produits. Doucement, il se pencha sur la vampire après s'être approché du lit et il lui dit :

-Je reviens.

Rapidement, il sortit de la chambre et commença à avancer dans ce grand couloir blanc. Il ouvrait chaque porte qui se présentait à lui, ne trouvant jamais personne dans ces pièces, et cherchant quelque chose qui pourrait faire en sorte que la plaie cesse de saigner. Il était entré dans plusieurs salles ressemblant à des laboratoires, des salles d'expérimentations et des chambres mais aucune d'elles ne contenait de quoi faire coaguler. Le roux ne perdit pas espoir et il chercha encore dans d'autres salles, d'autres laboratoires, d'autres chambres. Finalement, dans un des laboratoires, il trouva un produit très puissant qui avait pour propriétés de faire coaguler le sang. Satisfait, il attrapa la petite bouteille et se mit en route pour chercher des bandages ainsi que de quoi désinfecter.

Il marchait d'un pas rapide, peut être courrait-il, il ne s'en rendait pas vraiment compte. Les portes blanches défilaient mais une attira son attention, elle portait une croix rouge. Une infirmerie dans un laboratoire ? Quelle étrange idée, il poussa doucement le morceau de bois en entrant dans la pièce. Effectivement, c'était une infirmerie avec ses lits bordés de draps trop blancs, ses petites armoires remplies de bandages et de médicaments et un bureau qui était vide. Il s'approcha d'une des petites armoires ornée par la traditionnelle croix rouge et il l'ouvrit, découvrant médicaments, désinfectants et bandage. D'un geste vif, il attrapa de quoi faire un bandage et un petit flacon de désinfectant. Il rangea tout cela dans la poche gauche de sa veste. Il regarda dans d'autres placards et put trouver du coton, cela lui serait utile pour désinfecter et appliquer l'agent coagulant. Une fois le coton pris, il sortit de la salle en courant vers l'odeur du sang de Lyz.

La porte de la chambre s'avançait à moins que ce ne soit le jeune homme qui s'approchait d'elle. Il arriva devant la chambre, essoufflé et il entra en tentant de calmer sa respiration. Rien ne paraissait avoir bougé sauf peut être le corps de la vampire aux cheveux blancs ... Il ne se rappelait plus vraiment où il était auparavant. Une fois qu'il eut retrouvé son souffle, il s'approcha de son amie en disant doucement :

-Je suis revenu.

Même si elle paraissait inconsciente, il préférait lui parler pour se sentir moins seul, pour se prouver à lui-même qu'il était là pour elle. Lentement, il s'assit sur le lit à côté de la vampire qui était tournée vers le mur opposé. Doucement, il l'allongea sur le dos pour pouvoir accéder à la blessure plus facilement. Seul le flanc droit de la demoiselle sortait de sous les draps de façon que ceux-ci cachent sa nudité sous le peignoir. Le jeune homme utilisa le peignoir comme une sorte de tapis et commença à soigner la jeune fille. Il sortit tous les objets qui encombraient ses poches et il les posa sur le lit, juste à côté de lui. Il commença à attraper un morceau de coton et à l'imbiber de l'agent coagulant afin de l'appliquer sur la blessure. Ceci fait, il attendit quelques minutes pour voir si le produit fonctionnait correctement et empêchait la blessure de continuer à saigner.

Le sang s'écoulait de moins en moins jusqu'à ne plus couler du tout. Satisfait du résultat, il attrapa le désinfectant et en imbiba un autre morceau de coton. Il le passa doucement sur la plaie en espérant que ça ne piquait pas trop. Une fois toute bactérie éliminée, il banda la blessure et son travail fut terminé. Il se leva en ayant l'impression que le corps étendu par terre avait encore bougé ... Il s'approcha de celui-ci, essayer de voir si la vampire était encore vivante mais non, ce ne devait être que des impressions ... Il souleva légèrement le corps, croquant sa peau au niveau du coup et buvant le sang encore tiède. Quand il eut bu assez de ce liquide, il laissa tomber la jeune fille aux cheveux blancs sur le sol.

Puis, de ses crocs déjà souillés, il se croqua la peau du poignet et s'approcha de Lyz. Il approcha la légère blessure des lèvres de la demoiselle et lui souleva la tête pour qu'elle puisse boire. Avec tout le sang qu'elle avait perdu, elle devait en avoir besoin. Ce liquide coulait doucement de la plaie jusque dans sa gorge. Quand il jugea qu'elle avait assez bu, il retira son poignet et laissa retomber la tête de la vampire. Après, il alla s'assoir dos à un mur de façon que le lit soit à sa droite et le corps d'Annabelle devant lui. Il attendait, il attendait que son amie se réveille. Masaki bailla, sa tête s'abaissait doucement pendant que ses yeux se fermaient. Doucement, il glissait vers le sommeil et finit bientôt par s'endormir.

Noir, tout était noir, si noir, trop noir. Rien, rien n'était visible, rien ne se montrait à elle. Le néant, était-ce le néant, la mort? Ô mort fut un temps tant attendue dans ce corps si tendu, attente insupportable de l'atteinte de la paix, elle ne te voulait plus. Mais avait-elle réellement le choix? Elle ne pouvait rien faire. À peine essayait-elle de bouger, rien ne se produisait. Elle ne voyait rien, ne sentait rien, elle était comme anesthésiée. Elle avait vaguement conscience qu'elle ne voulait pas de la mort, mais c'était tout. Pourquoi la refusait-elle, elle l'ignorait. Le repos, le calme, et peut-être même le bien être ou l'absence d'être l'attendait, mais elle se raccrochait à ce monde de souffrance qu'était le réel. Pourquoi ne pas partir tout de suite? Peu lui importait, elle savait ce qu'elle voulait, ou du moins ce qu'elle ne voulait pas. Elle n'en connaissait pas les raisons, mais ce n'était pas important. C'était comme si une sorte d'instinct lui dictait de ne pas s'en aller, de ne pas lâcher, de rester. Pourquoi contredire ce qui s'imposait à elle comme une évidence?

Le jour, la nuit, ici, et partout ailleurs, tout n'était que souffrance, elle le savait bien. En plus de n'avoir pas de fin, la souffrance était omniprésente, et comme dotée d'une certaine omniscience qui lui permettait de faire toujours plus de mal. La vie... ou la mort. La souffrance, ou la libération. Pourquoi devait-elle choisir ce qui semblait être le pire pour elle? Elle ne le savait pas, mais elle le devait, c'était la seule chose claire dans son esprit. Rejeter la mort, pourquoi?

Une image s'imposa alors à elle. Une silhouette lointaine dans l'obscurité totale. Elle était comme éclairée par un lampadaire, bien que seul son corps fût illuminé. Elle ne savait pas par quelle prouesse c'était possible, mais elle ne chercha pas. Elle était bien trop concentrée sur la silhouette qui semblait avoir forme humaine bien qu'il fût impossible de distinguer quoi que ce fut d'elle, mis à part qu'elle semblait avoir forme humaine. Elle plissa les yeux dans l'espoir de mieux la voir, mais cela ne donna rien. La silhouette se mit alors à avancer, dans sa direction, alors qu'elle-même était en quelque sorte paralysée.

Peu à peu, elle put distinguer la silhouette. De grande taille, pourvue de cheveux de feu, la peau claire. Petit à petit, elle put distinguer l'ensemble du visage de la silhouette. Cette figure ne lui était pas inconnue, mais elle ne parvenait pas à mettre de nom dessus. La seule chose que suscitait cette silhouette en elle était une profonde curiosité, doublée d'incrédulité et de méfiance. Pourquoi de tels sentiments, elle ne le savait pas. Elle commença l'analyse, cherchant le moindre détail physique qui aurait pu lui permettre de savoir, mais, rapidement, peut-être trop, ses sentiments évoluèrent. Elle se sentait à présent proche de la silhouette, au point d'éprouver pour elle de l'amour, et elle lui faisait à présent totalement confiance.

Ploc!

Elle avait mis le doigt dessus. La raison qui la poussait à résister à la mort était ce visage, doux agréable, dépourvu de cette fausse pitié qui lui faisait mal au cœur.

Ploc!

Elle s'accrochait, résistait au froid qui assaillait son corps, tentant d'en prendre possession pour l'offrir à la Grande Faucheuse.

Ploc!

Elle la voyait, cette lumière qui l'appelait, mais elle la sentait hostile, elle savait que ce n'était pas ce qu'elle voulait, loin de là.

Ploc!

Elle était entraînée vers elle, malgré toute sa résistance, malgré ses efforts désespérés pour retrouver le réel.

Ploc!

Elle allait abandonner, quand elle l'entendit, ce bruit, comme une goutte d'eau qui marquait le temps qui passait, lent et infini.

Ploc!

Elle avait encore sa place en ce monde, cet infini, elle devait se battre encore et encore, ne pas abandonner, surtout, ne jamais abandonner...

Ploc!

Elle sentait quelque chose, quelque chose qui lui était à la fois familier et inconnu. Cette sensation de déjà vu et de découverte à la fois l'intriguait. C'était comme si elle avait déjà ressenti cela, mais qu'elle le savourait pleinement à présent.

Ploc!

Son cœur faisait des bonds, une vague de chaleur se réveillait en elle, il se passait quelque chose, mais elle ignorait quoi.

Ploc!

Elle put bientôt sentir quelque chose qu'elle connaissait, ce goût familier, mais si bon, si délicat, qu'il était toujours une découverte. C'était ce qui réveillait son esprit depuis le début.

Ploc!

C'était donc qu'il y avait ce liquide dans sa bouche, ce liquide qui appartenait à cet être, celui aux cheveux roux, celui dont le nom ne lui revenait pas. C'était lui qui, depuis le début, la réveillait doucement, peut-être même sans en avoir conscience. Que faisait son sang dans sa bouche? Elle n'en avait aucune idée. Une petite pointe d'inquiétude s'empara d'elle, et elle essaya plus fort encore de s'éloigner de la lumière mauvaise. À sa grande surprise, elle y arrivait. Bon, ce n'était pas bien concluant, mais c'était déjà ça: elle bougeait, et pas dans la direction de cette lumière à la fois pâle et menaçante.

Le chemin fut long. Elle sentait qu'elle se rapprochait de plus en plus de la vie, et à une vitesse peu normale par rapport à la moyenne humaine, mais le chemin demeurait long. Peut-être resta-t-elle des heures endormie, peut-être même des jours, mais elle revenait, et c'était pour elle le principal. Son combat fut long et pénible, mais elle reprenait des forces au fur et à mesure que le temps passait, et elle allait vaincre la mort d'ici peu. Son coma complètement inconscient et perturbé se transforma peu à peu en sommeil réparateur, puis arriva le moment du réveil.

Elle retrouva tous ses sens d'un coup et vit la lumière qui filtrait sous ses paupières. Puis elle repris peu à peu conscience de tout ce qui l'entourait. Elle était allongée dans un lit, la pièce s'ouvrait sur la lumière, mais elle était close depuis longtemps déjà, et il y avait un cadavre qui commençait à embaumer. Elle se souvint de son nom -Lyz- de celui de son camarade et ami -Masaki- et de leur situation. Elle prit le temps de remuer doucement chaque partie de son corps et constata que tout fonctionnait bien. Elle ouvrit alors les paupières sur un plafond trop blanc, cligna des yeux et se leva doucement, prenant garde à ne pas faire de mouvements trop brusques pour ne pas se sentir mal. Mais globalement, tout allait bien.

Elle chercha alors Masaki du regard. La dernière fois qu'elle l'avait vu, il occupait sa place dans le lit. Pourquoi n'y était-il plus? Allait-il mieux ou bien quelqu'un l'avait-il déplacé? Elle se retourna et constata que le vampire était affalé le dos contre le mur, la tête penchée sur le côté et les jambes tendues. Il avait dû sombrer sous le poids de la fatigue. Lyz s'approcha, s'accroupit au dessus des jambes du jeune homme et se pencha pour l'examiner. Il était bel et bien endormi, et il s'était placé pour surveiller le cadavre d'Anabelle. Lyz se retourna brièvement, histoire de vérifier que celui-ci n'avait pas bougé, et il était toujours là, les yeux ouverts et révulsés la bouche ouverte. Elle se tourna de nouveau vers Masaki et inspecta son visage. Elle ne savait pas pourquoi, mais le statut de celui-ci avait changé à ses yeux.

Le visage du vampire arborait un air soucieux dans son sommeil, comme si il s'inquiétait pour quelque chose ou quelqu'un. Lyz frissonna à l'idée que ce fût elle. Encore fatiguée, elle éprouva le besoin de poser les genoux sur le sol, et se retrouva à cheval au dessus de Masaki, ce qui eut pour effet immédiat de rapprocher leurs visages. Il avait la bouche entrouverte et l'air innocent, derrière son inquiétude.

Timidement, Lyz approcha sa bouche de celle du vampire, pour sentir son souffle chaud sur ses lèvres. C'était une sensation nouvelle, elle fut prise d'un frisson. Lentement, elle ferma les yeux et posa ses mains sur les épaules de Masaki. Elle se sentait si vivante, si proche de lui. Elle appréciait réellement ce contact. Elle voyait là le vampire dans tout sa fragilité, dans sa vulnérabilité d'être endormi, et cela lui donnait des frissons insoutenables.

Inconsciemment, elle approcha un peu plus son visage de celui de Masaki, et manqua de sursauter quand leurs lèvres se touchèrent. Prise au dépourvu, elle réagit par simple réflexe. Du moins, c'est ce qu'il lui sembla. Elle embrassa longuement et délicatement son vampire, avec toute la douceur du monde réunie dans le choc entre leurs bouches. Elle l'embrassa, non par réflexe, non par pure émotion, bien qu'elle fût rassurée de le voir bien vivant, mais bien par amour, même si elle ne voulait pas l'admettre. L'âme blanche du vampire exerçait sur elle une attraction sans précédent, et elle se sentait mieux, près de lui, presque ''gentille''. Lentement, elle décolla ses lèvres de celles de Masaki.

Était-ce encore un rêve ? Pourquoi devant lui s'étalait de la poudre blanche jusqu'à perte de vue ? Rien ne l'entourait à part ce froid hivernal. Quelques flocons, emportés par le vent, venaient se poser sur lui. Sa tenue n'avait pas changé et ça le rassura. Peut être était-ce une illusion provoquée par un quelconque pouvoir ? Il ne tenta pas de le découvrir et commença à marcher vers cette ligne. Plus il avançait, plus elle reculait mais il se frayait tout de même un chemin à travers cette eau à l'état solide.

Lentement, un château apparaissait parmi tout ce blanc. Le bas du pantalon de Masaki était trempé et il ne sentait même plus ses pieds. A moins que depuis qu'il était là-bas, il ne sentait ni le froid, ni l'humidité, ni le vent, ni rien du tout. Il ne faisait peut être que les imaginer à un point qui les rendrait presque réels. Les murailles se rapprochaient, les détails se dessinaient, de la petite pierre mal placée qui dépassait jusqu'au trou qui salissait le pont-levis. Le jeune homme leva légèrement la tête pour apercevoir le donjon. Une ombre passa à travers l'ouverture. Qui était-ce ? Le pont-levis commença à se baisser.

Une fois le morceau de bois à l'horizontale, la cour du château était visible par le roux. Elle était recouverte de neige et entièrement vide enfin, c'est ce qui lui sembla. Il mit un pied devant l'autre et monta sur ce bois pourri. Il n'avait pas peur qu'il ne se casse malgré le fait qu'il soit troué de toutes de parts. Le vampire suivait ses pas, il n'était pas vraiment libre de ses mouvements, tout était fait selon la vision qu'avait le créateur de cet endroit. Une fois au milieu de la cour, il se tourna vers la gauche. Ses traces de pas s'effaçaient peu à peu sous la neige tombante. A priori, il attendait quelqu'un ou quelque chose.

Devant lui se dressaient des escaliers menant à une pièce du château. Aucune porte ou autre morceau de bois ne bloquait cet accès mais il ne bougeait pas. Après tout, ici, il n'était qu'une marionnette. Le vent secouait ses cheveux mais il ne le sentait pas frôler doucement sa joue. Il ne sentait pas les flocons de neige se poser sur ses cheveux roux déjà trempés par ceux-ci. Il ne sentait pas les habits qu'il portait qui lui collaient à la peau parce qu'ils étaient mouillés. Pourquoi aucune pensée ne traversait-elle son esprit ? Quelle étrange situation et il ne pensait rien. Ceci rendait ces instants d'autant plus étranges mais bon, personne n'avait son mot à dire, la scène s'effectuait en suivant le scénario prévu pour celle-ci.

Deux lueurs rouges se démarquaient de l'obscurité, leurs contours se traçaient doucement jusqu'à ce qu'un visage puisse être reconnu. C'était une jeune fille, aux yeux rouges et aux cheveux ... Ses cheveux étaient ... Ils étaient ... Blancs ... Le jeune homme ne bougeait toujours pas, il ne le pouvait simplement pas. Il n'avait pas peur, ses pensées étaient neutralisées tout comme sa volonté. Suivant la jeune filles, deux gardes qui portaient quelqu'un. Qui était-ce ? Ces cheveux bruns ... Pourquoi lui étaient-ils si familiers ? Même si elle avait la tête baissée, comme si elle était inconsciente, elle lui rappelait quelqu'un mais il ne savait pas qui ...

L'albinos s'approcha de lui et lui souleva légèrement le menton de son index droit, souriante. Non pas un sourire chaleureux et agréable, son sourire était plutôt le sourire d'un prédateur ayant trouvé sa proie. Elle rentra dans le bâtiment, lui faisant signe de la suivre. Il le fit, sans se demander quoique ce soit, sans s'interroger sur cette personne inconsciente. Il se retrouva dans une pièce qui ressemblait fort à une chambre, les murs étaient d'un rouge sang, la peinture était répartie inégalement ce qui faisait qu'on avait l'impression que des giclées de sang les avaient colorés. Le sol était une moquette blanche et rouge.

Dans un des coins de la pièce, étalée sur le sol, il y avait la jeune personne aux cheveux bruns qu'il avait aperçue plus tôt. La jeune fille aux cheveux blancs était assise sur le lit, des roses étaient disposées autour de celui-ci, celles-ci étaient assorties au sol, rouges sang et blanc neige. Masaki avança vers le lit et s'installa à côté d'elle. Elle le chevaucha, rapprochant ses lèvres de son visage, le laissant sentir son souffle chaud. Il ne sentait pas le froid, il ne sentait pas ses vêtements trempés mais par contre, il sentait le souffle de cette jeune fille ?

Le regard du jeune homme se dirigea vers la brune, elle était allongée sur le dos mais elle paraissait paisible. Sa bouche était entrouverte. La fille aux yeux rouges ne semblait pas apprécier cette attention et elle posa les mains sur ses épaules. Le roux se redressa légèrement, sa tête restait tout de même penchée sur le côté mais bon, peu lui importait. La jeune fille ferma les yeux et approcha son visage du sien. Leurs lèvres se touchèrent. Ce contact, il le sentait vraiment, comme quand elle avait posé ses mains sur les épaules du vampire. Lui, ne bougeait toujours pas, se laissant faire. Longuement, délicatement, elle l'embrassait, déployant une douceur étonnante de sa part. Quand leurs lèvres se décollèrent, tout devint flou, tout devint noir.

Les sensations lui revenaient, la chaleur, il se sentait à nouveau vivant, pas comme dans ce monde de froid, de sang et de neige. Il sentait ses habits qui touchaient sa peau, il sentait quelqu'un qui le chevauchait, les mains sur ses épaules. Lentement, il ouvrit les yeux même si sa vue était légèrement trouble. Quand elle se précisa, il releva légèrement la tête, s'apercevant que Lyz était devant lui. Les souvenirs de son rêve se rangèrent tranquillement dans un coin de sa mémoire.

-Lyz, allez-vous mieux ?

Même s'il n'était qu'à demi-conscient, même s'il n'avait pas beaucoup dormi, rien ne l'empêcherait de s'occuper des personnes qui lui étaient chères. Même s'il ne connaissait pas encore la place qu'elle occupait dans son cœur, était-il amoureux d'elle ou ne voyait-il en elle qu'une copie de celle qu'il eut aimée, il s'en fichait, il savait juste qu'elle avait sa place dans ses proches et seul ce fait lui importait. Doucement, il porta sa main droite jusqu'à son œil et le cacha faiblement avec. Il ne se sentait pas bien, pas vraiment fatigué mais mal. Son coeur se serrait à l'intérieur de sa poitrine et il avait légèrement la tête qui tournait. Malgré ceci, il enlaça son amie, vérifiant si le cadavre était resté en place. Après tout, c'était Anabelle qui l'avait embrassé dans son rêve et il aurait aimé savoir pourquoi.

-Vous devriez éviter de vous blesser ainsi, vous seriez une trop grande perte pour moi si ces blessures s'avéraient mortelles.

A vrai dire, il avait hésité à dire " pour moi" même si c'était entièrement vrai. Et si elle ne l'aimait pas ? Il aurait l'air complètement stupide à ses yeux ... Il se recula légèrement, la repoussant légèrement. Qu'était-il en train de faire ? Doucement, il remit en place l'une des mèches de la jeune fille qui était allée cacher l'un de ses yeux. Il lui sourit, de son sourire habituel. Une petite douleur le prit, il cacha sa bouche de sa main gauche et toussota légèrement. Il enleva sa main, sans regarder les quelques gouttes de sang qu'il avait crachées. Cela aurait été inutile et aurait dévoilé à la vampire qu'il n'allait pas très bien.

Le rouquin avait froid. Malgré sa veste, il avait froid. Il soupçonnait un peu de fièvre mais, ne voulant pas inquiéter Lyz, il se leva et s'approcha du corps qui gisait sur le sol. Lentement, il sortit son briquet de sa poche, voulant le faire brûler mais il n'avait pas envie d'enfumer la pièce. Il traina donc le corps dans un coin de la pièce, pour qu'il arrête de l'encombrer. Puis, il alla s'assoir sur le lit, essayant de ne pas montrer qu'il avait quelque peu perdu l'équilibre.

Masaki sembla se réveiller doucement. Qu'avait-elle fait! Et si il ne l'aimait pas? Comment allait-elle justifier cet acte, elle, la vampire sans cœur, celle que rien ne touche, la femme aux vingt-trois cœurs qui n'était pas même capable de tenir le sien en laisse? Elle resta paralysée face à son compagnon d'infortune.

-Lyz, allez-vous mieux?

Il se réveillait à peine et se souciait déjà d'elle, de son bien être, quel grand cœur, pour un criminel. Mais n'était-ce pas là le fondement de ses sentiments? Il savait être là pour elle, il avait éveillé sa curiosité et oeuvré bon son bien. Vraiment, ce vampire avait une âme blanche et pure. Peut-être était-il trop innocent... et elle venait de le pervertir en lui donnant un baiser, elle, l'impure, trompée et abusée! Il faisait comme si il n'avait rien vu, rien senti, comme si rien ne s'était passé. Peut-être était-ce le mieux. Masaki porta la main à son oeil droit, comme il l'avait fait lorsqu'il était blessé. Que se passait-il? Il n'avait pas l'air d'avoir de telles habitudes lorsqu'il se sentait bien, il devait forcément y avoir quelque chose, mais quoi? Après ce qu'il venait de se passer, Lyz n'osait pas demander. Était-elle la cause de ce trouble?

Il la prit dans ses bras. Était-ce pour cacher le trouble, pour lui montrer qu'il avait, lui aussi, des sentiments, ou bien n'avait-il tout simplement rien senti? Était-ce un hasard, qu'il se fut réveillé à cet instant? Si oui, elle ne devait pas gâcher cette chance de ne pas lui montrer ses sentiments.

-Vous devriez éviter de vous blesser ainsi, vous seriez une trop grande perte pour moi si ces blessures s'avéraient mortelles.

Elle n'avait pas rêvé, là, si? Elle ne le savait pas. Il lui recommandait de ne pas se faire blesser, mais qui était le premier à l'avoir été? Et pour rien, en plus! Elle n'avait fait que le défendre alors qu'il était dans l'impossibilité de le faire lui-même! À chaque menace, il éprouvait le besoin d'étendre sa bravoure, alors qu'elle ne faisait que le strict minimum. Qui prenait le plus de risques, dans l'histoire? Elle avait bien envie de lui dire sèchement ses quatre vérités, mais en le regardant dans les yeux, elle ne put s'empêcher de sourire.

-Vous êtes mal placé pour parler, il me semble, non? Enfin, arrêtons-nous là, d'accord? Nous sommes les seuls possesseurs de nos corps, il n'appartient qu'à nous de décider de l'usage que nous en faisons.

Le vampire la repoussa, puis remit en place une mèche de chevaux. Une attitude en soi contradictoire qui n'était pas pour déplaire à Lyz, malgré les doutes qui s'élevaient en elle. Un petit sourire se dessina sur ses lèvres, l'un de ceux qui font s'emballer le cœur. Lyz s'assit à même le sol, face au vampire, qui toussa légèrement. Un odeur de sang envahit la pièce à cet instant. Une odeur qu'elle connaissait, et qu'elle reconnaîtrait entre mille. La vampire arqua un sourcil en fixant son compagnon. Pourquoi ne lui disait-il rien? N'avait-il pas confiance? Elle l'avait pourtant bien vu: il y avait bien quelque chose qui clochait chez le vampire. S'était-il passé quelque chose pendant son sommeil?

Masaki se leva et retira le cadavre du milieu de la pièce avant d'aller s'asseoir maladroitement sur le lit. Lyz se dirigea vers lui et se mit en face. Elle le regarda droit dans les yeux, toute penchée en avant qu'elle était, et s'approcha encore de lui. Elle effleura tout le long du cou du vampire avant d'arriver au menton qu'elle attrapa doucement mais fermement. Hors de question qu'il s'échappât. Puis, de sa main gauche, elle constata qu'il avait de la fièvre.

-Andouille, murmura-t-elle. À quoi bon me cacher ce que je ne peux que découvrir?

Elle força le vampire à s'allonger, le couvrit et partit en quête d'un ouvrage qui eût pu lui être utile. Elle revint avec ''Le petit guide des infections virales'' ainsi que deux couvertures et un immense peignoir à l'air chaud qu'elle avait trouvé dans la loge d'un gardien inexistant. Elle tendit le peignoir à Masaki pour qu'il quittât ses vêtements peu confortables pour un malade, et l'aida à enfiler le peignoir et à se glisser sous les couvertures encore chaudes du passage de la vampire.

Elle s'installa au pied du lit et commença à feuilleter le livre. C'était, somme toute, très intéressant, mais elle ne trouvait pas ce qu'elle cherchait. Elle passa une demi-heure à lire, page après page, les symptômes de diverses maladies, avant de tomber sur la bonne. C'était une bronchite aigüe, favorisée par une accumulation de fatigue. Le traitement était simple, c'était un fluidifiant à base de carbocystéine, sous forme de sirop. Elle se trouvait dans un laboratoire, elle pourrait bien trouver cela!Lyz partit donc dans le laboratoire à la recherche du sirop. Elle retourna littéralement quatre pièces avant de tomber sur ce qu'elle cherchait, puis elle retourna dans la chambre dans laquelle elle avait laissé Masaki. Une fois dans la pièce, elle prit une cuillère, versa une partie du contenu de la bouteille dedans et s'avança vers le malade avec un faux rire diabolique.

-Allez on ouvre grand la bouche, AAAAAAAAAA!

Elle enfila la cuillère dans la bouche du malade et attendit qu'il avalât. Puis elle s'installa de nouveau au pied du lit.

-Bon, c'est la même dose deux à trois fois par jour, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de toux!

Elle se mit à quatre pattes sur le lit et s'avança vers Masaki.

-Il faudra que je vous parle, peut-être plus tard, vous devez être fatigué. Et puis... pourquoi ne pas arrêter de nous vouvoyer, ce serait tellement plus... comment dire... simple, direct et franc, entre nous! Qu'en pensez-vous?

Elle effleura la joue de son patient du bout des lèvres et retourna à son pied de lit.

Masaki releva légèrement la tête pour voir son amie. Il la vit se lever et se diriger vers lui. Quelques frissons le secouèrent, il avait froid. Malgré cela, il soutenait tant bien que mal le regard de la vampire. Doucement, la main droite de Lyz glissa le long du cou du vampire jusqu'à son menton et, doucement, elle l'attrapa. Ce geste lui rappela son rêve, la vampire albinos et la brune blessée. Un frisson le parcourut alors, sans qu'il ne sache pourquoi. Il sortit de ses pensées et s'aperçut qu'elle avait posé sa main gauche sur le front brûlant du noble. Sa main était glacée, voici ce qui le faisait frissonner ...

-Andouille, murmura-t-elle. À quoi bon me cacher ce que je ne peux que découvrir?

Cette question fit sourire le roux bien qu'il n'y répondit point. Il ne jugea pas cette réponse importante, son amie pouvait se voiler la face, enfermer la vérité là où elle voulait mais elle la connaissait, cette vérité qu'elle préférait peut être taire. Il l'avait simplement fait pour ne pas l'inquiéter, car il ne voulait pas être un poids pour elle donc il préférait faire abstraction de son état et l'aider dans ses entreprises. La jeune fille le força à s'allonger et le couvrit avant de quitter la pièce. Il avait froid, il était gelé même sous cette chaude couverture. Il sentait lentement monter sa température, il était bien dans ce lit, il était confortable, il était doux.

Il n'arrivait pas à dormir, les images de son rêve le hantaient, il avait peur de replonger dans un autre songe effrayant. La présence du cadavre ne l'aidait pas beaucoup mais il n'arriverait pas à le brûler, il le savait ... Il avait peur, peur de ce corps, peur de cette fille, peur de cet endroit ... Et Lyz ? Avait-il peur d'elle ? Non, il avait plus peur de son comportement, il avait peur de la mordre pour se nourrir, il avait peur de la blesser dans une de ses crises de folie, il avait peur de la perdre, comme il avait perdu la fille qu'il aimait ... Non, il ne devait pas être effrayé par cette lutte contre lui-même, il ne voulait pas être aussi faible qu'auparavant et commettre les mêmes erreurs. Il devait se battre pour faire ce qu'il pensait juste, même si ce n'était peut être pas juste pour certaines personnes, ça l'était pour lui et seul ceci lui importait.

Soudain, quelqu'un franchit la porte. C'était une jeune fille possédant de longs cheveux bruns et des yeux rouge bordeaux. Masaki remarqua qu'elle portait un livre, plusieurs couvertures et un énorme peignoir ... Sur la couverture du livre, il était écrit "Le petit guide des infections virales", quel nom ridicule ... La jeune femme se rapprocha du lit et tendit le peignoir à son ami. Donc, elle l'avait apporté pour qu'il le mette ... Quel dommage, il aurait préféré rester dans ses vêtements habituels mais bon, il n'était pas en état de protester donc il enfila le vêtement avec l'aide de la vampire et retourna se coucher, sans rien dire.

Même si le peignoir et les couvertures étaient chauds, des frissons le secouaient toujours. Doucement, il ferma les yeux, sachant pertinemment qu'il n'arriverait pas à dormir. Il écoutait Lyz, il l'entendait tourner les pages de l'ouvrage qu'elle avait trouvé. Une demi-heure s'écoula ainsi, à entendre la respiration de la jeune fille, à entendre les pages du livre voleter sous ses doigts agiles. Ce son s'interrompit, peut être avait-elle trouvé ce pourquoi elle feuilletait ce manuel. Il entendit la jeune fille se lever et s'éloigner. Ses pas résonnaient dans les couloirs et se faisaient de plus en plus faibles jusqu'à disparaître complètement.

Seul. Il l'avait été durant toute sa vie, même entouré par des domestiques, par des soi-disant amis qui riaient de lui dans son dos, les seules personnes qui se rapprochaient de lui mourraient par sa faute. Et à présent, il était à nouveau seul. Peut être Lyz allait-elle s'enfuir en l'abandonnant lâchement ? Non, elle n'était pas ce genre de fille et puis, elle avait des sentiments spéciaux envers lui et il le savait très bien même s'il n'arrivait toujours pas à comprendre pourquoi. Après tout, il était faible, naïf, idiot et minable.

Il se frotta légèrement les yeux, ils lui piquaient. Il devait avoir sommeil mais il ne s'en rendait pas compte, il voulait attendre le retour de son amie avant de prendre quelque décision. Quel plafond trop blanc ... Le blanc est une couleur douce, utilisée avec modération. La neige par exemple, n'est-ce pas beau les reflets du soleil sur la neige à peine tombée ? Et les nuages, ces énormes morceaux de coton flottant au-dessus de nos têtes, n'est ce pas merveilleux ? Mais ce plafond, trop blanc, virant à l'écru avec quelques légères traces de sang éparpillées, il n'avait pas la légèreté des nuages, il n'avait pas non plus la beauté de la neige, il n'était qu'un plafond trop peint.

Des pas, les pas de Lyz se rapprochaient, donc elle revenait, pour s'occuper de lui, pour rester à ses côtés, pour chasser ce féroce prédateur nommé "solitude". Cet animal enveloppe les gens pour les plonger dans un désespoir profond. Ces personnes là ont du mal à en sortir, à force d'être seul, on y est habitué. Le cœur du jeune homme battait de plus en plus vite, ceci lui rappela qu'il en avait un. Des fois, il se posait la question, même s'il animait son pauvre corps, était-il toujours présent ? Cet organe vital, symbole des sentiments les plus profonds, l'était-il réellement ?

Une silhouette franchit la porte, armée d'un flacon. Elle attrapa une cuillère et s'approcha du jeune homme.

-Allez on ouvre grand la bouche, AAAAAAAAAA!

Masaki obéit malgré le fait qu'il trouvât cette réaction exagérée. Il avala un produit qu'il ne connaissait même pas mais bon, il faisait confiance à son amie. Puis, la jeune fille s'installa au pied du lit.

-Bon, c'est la même dose deux à trois fois par jour, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de toux!

Le jeune homme sourit, elle était tellement attentionnée ... Soudain, elle monta sur le lit et avança à quatre pattes vers le roux. Il fut tellement surpris qu'il écouta attentivement ces mots :

-Il faudra que je vous parle, peut-être plus tard, vous devez être fatigué. Et puis... pourquoi ne pas arrêter de nous vouvoyer, ce serait tellement plus... comment dire... simple, direct et franc, entre nous! Qu'en pensez-vous?

Elle effleura sa joue du bout des lèvres. D'un geste, il tenta de caresser la joue de la jeune fille mais elle retourna trop rapidement à son chevet. Ceci le fit sourire. Il s'assit, difficilement certes mais il y parvint et il la regarda.

Parle donc, que nous nous vouvoyons ou tutoyons, nous resterons les mêmes personnes, reliées par les mêmes liens. Personnellement, cela m'importe peu mais si cela vous plaît, je te tutoierai à présent.

Il tremblait, il ne s'en aperçut qu'après avoir parlé. Était-ce encore le froid qui l'avait pris sous trois couvertures ? Il tenta de se concentrer, pour arrêter de trembler ainsi, cela le gênait vraiment mais il n'y arriva pas. Il s'attrapa les côtés, serrant les dents essayant de s'immobiliser mais ce fut sans succès. S'il ne pouvait pas s'en empêcher, il devait trouver un moyen de se réchauffer. Il souleva doucement les couvertures mais s'arrêta.

C'est inutile ... murmura-t-il.

En effet, ce froid était du à la fièvre non pas à l'endroit où il se trouvait. Il se recula, dos au mur, baissant légèrement la tête. Peut être était-ce la peur ? La peur qu'il ressentait à cause de cette fille, à cause de ses instincts de vampire, à cause des souvenirs qu'il avait gardés. Une douleur ... Il souffrait ... Au niveau du cœur, sa gorge était sèche et il avait l'impression d'avoir l'estomac vide. Il luttait, il luttait contre sa propre soif, laissant couler quelques larmes entre deux tremblements. Il avait peur de ne pas arriver à se contrôler assez et de la mordre ...

Était-il toujours présent, cet organe qui représentait les sentiments, n'avait-il pas encore disparu ? De sa main droite, il attrapa sa poitrine à l'emplacement prévu pour cet organe vital. Il le sentait battre rapidement, quelle horrible sensation. A chaque palpitation, une douleur intense le prenait à cet endroit précis. Il n'osait pas relever la tête de peur de voir ce sang dans les veines de sa compagne, ce délicieux liquide, si pur, si doux ... Non ! Il ne devait pas y penser ! C'est comme ça qu'il allait se laisser aller ! Une idée lui vint pour calmer temporairement sa faim.

Doucement, il souleva son poignet jusqu'à son visage. Les marques de crocs étaient encore présentes mais il se mordit à nouveau. Il but un peu de son sang, sachant que cela ne serait qu'un leurre et que sa faim reviendrait. Une fois cette répugnante tâche terminée, son poignet tomba sur le matelas. Sa gorge le grattait, il toussa et quelques gouttes de sang tachèrent son peignoir. Cela le fit sourire, cette couleur rouge, qui venait du plus profond de ses entrailles, dont il avait besoin, il la crachait aisément.

Une autre peur lui vint, la peur que dans un acte de bonté, elle l'oblige à la mordre. Il releva brusquement la tête, avec un regard légèrement effrayé. Grimaçant, il prit un air suppliant et dit :

Lyz, s'il te plaît, ne me donne pas ton sang. Je ne veux pas te mordre et je ne veux pas y goûter. J'ai peur, j'ai peur de te vider de ton sang, j'ai peur de te perdre ...

Masaki baissa la tête, lâchant quelques larmes et gouttes de sang.

La réaction de Masaki à sa proposition ne surprit guère Lyz. Elle s’attendait à ce genre de réponse, à vrai dire. Le jeune vampire n’était pas du genre à s’inquiéter pour une simple formule de politesse. Cependant, c’était important pour Lyz. Elle ne tutoyait plus personne de cette manière particulière depuis longtemps. Elle tutoyait par mépris, et user de ce pronom avec son ami lui prouvait qu’elle était encore capable de tendresse, lorsqu’elle le voulait.

Ce qui la surprit, cependant, fut la suite des évènements. En effet, alors qu’elle allait accéder à sa requête et lui parler de ce qu’elle avait à lui dire, Masaki s’assit tant bien que mal, et fut pris de tremblements. Il se tint le cœur de la main droite, la tête baissée, l’air de souffrir le martyre. Lyz resta assise au pied du lit sans comprendre réellement ce qui arrivait au vampire. Les médicaments qu’elle lui avait donnés n’étaient-ils pas les bons? Avait-elle empoisonné Masaki ? Elle se leva, tremblante à son tour et s’approcha du vampire, craignant le pire. Elle n’envisageait même pas la possibilité qu’il eût faim.

Avant qu’elle pût réagir, le vampire s’était mordu le poignet. Il s’affaiblissait pour calmer sa faim. Pourquoi ne buvait-il pas son sang à elle ? N’était-il pas bon ? Avait-il ce goût de trop ou de trop peu qui caractérisait l’individu ? Après tout, elle n’était pas pure, loin de là… Elle leva des yeux plein de larmes vers le vampire. Pour qu’il en vînt à boire son propre sang, le sien devait vraiment avoir un goût exécrable. D’un geste, elle fit taire son chagrin. Son ami était malade, elle ne devait pas penser à elle et son petit malheur, mais à lui. Après tout, était-ce de sa faute si le sang de la vampire était imbuvable ?

Alors, elle se résigna. Elle lui avait volé son sang, et le lui rendre serait une insulte. Elle devait s’arranger pour qu’il bût, mais pas son sang à elle. Elle ne pourrait jamais rembourser sa dette. Une larme, une simple larme, unique et froide coula le long de sa joue. Elle devait aller chasser, fournir au vampire de quoi se nourrir, puisque son sang ne convenait pas. Cependant, quelque chose la retint. Masaki s’était arrêté, avait craché quelques gouttes de sang, et il prenait à cet instant la parole.

-Lyz, s’il te plaît, ne me donne pas ton sang. Je ne veux pas te mordre, et je ne veux pas y goûter. J’ai peur, j’ai peur de te vider de ton sang, j’ai peur de te perdre…

Devant l’air soucieux du vampire, Lyz eut un petit rire, ponctué de quelques larmes de soulagement. Ainsi, elle avait un sang buvable, la crainte du vampire en buvant son sang n’était pas le mauvais goût, mais l’état dans lequel elle serait après cela. Bien. Elle était soulagée. Elle pourrait rembourser sa dette, et peut-être même plus facilement que ce qu’elle pensait. Elle pourrait commencer dès à présent.

La vampire se leva et s’avança vers Masaki.

-Ainsi, tu as peur, hein ?

Elle avait un petit sourire à la limite du diabolique.

-Tu as peur de moi ?

Lyz avait pris un air innocent, qu’elle savait particulièrement irrésistible.

-Mais, pourquoi avoir peur ?

Ses yeux s’emplirent de larmes, doucement.

-Tu me viderais comme ça de mon sang. Tu le crois vraiment ?

Deux larmes coulèrent, une de chaque côté de son visage.

-Tu crois vraiment que tu ferais cela ?

Elle essuya ses larmes d’un revers de main.

-Soit. Peut-être. Je ne le sais pas. Mais peu m’importe. Je t’ai volé du sang alors que tu étais inconscient. Des deux, c’est moi la créature infâme, pas toi. C’est moi qui risque de te perdre à cause de ma folie meurtrière. Et pourtant… Et pourtant…

Sa voix se brisa sous le poids des mots.

-Et pourtant, je tiens à toi. Ces larmes qui coulent le prouvent. Alors, fais-moi ce plaisir : laisse-moi rembourser en partie ma dette. Même si ce n'est rien à côté de mon forfait, laisse-moi le faire. S’il te plaît. Si tu ne le fais pas pour toi, fais-le pour moi.

Sur ces mots, elle s’approcha du lit, posa le genou dessus, se souleva et posa son genoux droit à la gauche de Masaki qui se retrouvait chevauché. Elle enlaça le vampire qui tenait toujours difficilement en position assise, nicha sa tête dans son cou et continua de lui pleurer dans les bras, attendant qu’il la mordît.

Dès qu’elle avait pris conscience de son acte, la culpabilité avait pris d’assaut la conscience de Lyz. Elle avait commis l’impardonnable, elle s’était emparé de ce qui ne lui appartenait pas, mais qu’elle respectait malgré tout. Elle avait bu le sang de son ami alors que celui-ci était inconscient. Elle le lui avait volé alors qu’il en avait besoin, un besoin vital. Le pire, dans cette histoire, était que c’était sans doute cette Anabelle qui avait sauvé son vampire. Son vampire qu’elle avait elle-même mis en danger.

De gros sanglots s’échappaient de la bouche de Lyz, tandis que sa poitrine était secouée. De quel droit se permettait-elle d’enlacer ainsi Masaki ? elle n’en avait en aucun cas le droit, bien sûr. Mais c’était le seul moyen qu’elle avait de payer sa dette. Il n’y avait qu’en lui exposant ainsi son cou qu’elle ferait céder le vampire assoiffé, et elle le savait très bien. Elle savait aussi que l’enlacement n’était pas obligatoire pour montrer son cou, mais elle ne voulait pas penser aux autres manières de le faire. Elle était bien là où elle était et elle comptait y rester encore un peu. Deux mots coulèrent alors de ses lèvres, deux mots qui résonnèrent dans la salle tels des cris, deux mots qui pourtant ne furent que murmure.

-Fais-le.

Doucement, il releva la tête pour voir la réaction de son amie. Un petit rire l'animait tandis que quelques larmes coulaient le long de ses joues. Elle semblait soulagée ... Soulagée de quoi ? Peut être avait-elle imaginé autre chose, une autre raison pour laquelle il tremblait et souffrait. N'essayant pas de deviner, il la vit se lever et s'approcha de lui. Sa gorge était sèche, il avait vraiment besoin de boire du sang. Elle allait le faire, elle allait lui donner son sang, il le savait et il ne pourrait rien y faire.

-Ainsi, tu as peur, hein ?

Il voulut hocher la tête en signe d'approbation mais celle-ci refusait d'exécuter quelque mouvement. Il remarqua un étrange sourire qui s'affichait sur le visage de la vampire, celui-ci le fit penser à Annabelle même s'il n'avait pas cette touche diabolique. Cette vision le fit frissonner, que voulait donc dire cette expression ?

-Tu as peur de moi ?

Non, il n'avait pas vraiment peur d'elle mais plutôt peur de lui-même, peur de cette soif qu'il n'arrivait jamais à étancher auparavant, peur de ces actes qu'il était capable de faire. Peur de ces souvenirs du passé qui le hantaient et le hanteraient toujours.

-Mais, pourquoi avoir peur ?

Pourquoi avoir peur ? La peur n'a jamais été contrôlée par une quelconque logique. Ce n'était qu'une de ces stupides émotions humaines qui ne faisait que les avertir du danger. Le danger hein, il était un danger pour lui-même ? Quelle complication, ne pouvait-il tout simplement considérer ceci comme un besoin naturel ...

-Tu me viderais comme ça de mon sang. Tu le crois vraiment ?

Oui, il le croyait, même si ses lèvres ne bougeaient pas, même si aucun son ne s'échappait de sa gorge. Après tout, il l'avait déjà fait à une personne qui lui était plus chère que tout. Masaki remarqua que deux larmes coulaient sur le visage de son ami. Il sentit comme un coup de poignard qui lui transperçait le cœur. Il ne le supportait pas, ces deux gouttes qui glissaient doucement sur les joues de Lyz, laissant une légère trace humide après leur passage. Cette idée la rendait-elle triste à ce point ? N'avait-elle pas encore compris qu'il n'était qu'une bête assoiffée de sang ? Était-elle naïve à ce point ? Non, cela ne semblait que très peu probable ... Elle se voilait la vérité alors.

-Tu crois vraiment que tu ferais cela ?

Sa gorge se serra tout à coup. Bonne question, il savait très bien qu'aucune preuve ne le dénonçait comme auteur de ce crime mais ... Mais il était convaincu de l'être. Culpabilité, sentiment inutile, il y a des choses qu'on ne peut réparer et des choses qu'il ne faudrait pas réparer mais cette idiote émotion tourmente le commun des mortels en les obligeant à revenir sur leurs pas pour poursuivre un autre chemin. Lorsque l'on prend une route, il faudrait s'engager à ne jamais sortir de ses pavés mais bon, encore l'un des nombreux défauts de la nature humaine.

-Soit. Peut-être. Je ne le sais pas. Mais peu m’importe. Je t’ai volé du sang alors que tu étais inconscient. Des deux, c’est moi la créature infâme, pas toi. C’est moi qui risque de te perdre à cause de ma folie meurtrière. Et pourtant… Et pourtant…

Elle se considérait donc comme une créature infâme ... Ridicule. Elle avait pris si noblement la vie à tant d'hommes ne méritant même pas de mourir sous anonymat et elle était un être pitoyable ? Quelle belle logique et lui alors, qu'était-il ? Pire qu'elle donc, pire qu'une soi-disant créature infâme ? Quel beau rang ma foi. Être plus minable qu'une femme honorant les principes de bonne conduite, en usant d'une fine lame, était un qualificatif trop aimable pour ce vampire. Lui-même se considérant comme pire que tous les hommes que Lyz avait tués, le qualifier de plus infâme qu'elle était une trop grande grâce à son goût.

-Et pourtant, je tiens à toi. Ces larmes qui coulent le prouvent. Alors, fais-moi ce plaisir : laisse-moi rembourser en partie ma dette. Même si ce n'est rien à côté de mon forfait, laisse-moi le faire. S’il te plaît. Si tu ne le fais pas pour toi, fais-le pour moi.

Eh bien, il ne méritait pas d'avoir une quelconque place dans le cœur de cette jeune fille et elle n'avait aucune dette envers lui, au contraire. Il devrait se considérer béni qu'elle ait goûté à son sang, il devrait se sentir béni qu'elle soit susceptible de le tuer, il devrait se sentir béni qu'elle l'ait "touché". S'il ne le fait pas pour lui, le faire pour elle hein ? Culpabilité hein ? Alors ce sentiment pouvait même toucher des divinités vampiriques, quelle surprise et quelle puissante émotion. Donc elle possédait quand même quelques unes de ces stupides émotions humaines après tout, elle l'avait forcément été un jour.

La jeune fille s'approcha du lit et chevaucha le vampire qui fut pris d'une crainte inégalable. Eh oui, attention danger, elle allait le faire même s'il avait toujours su qu'elle le ferait, il était trop borné et avait gardé une lueur d'espoir qui, à présent, était plongée dans une obscurité semblable au sang séché. Une obscurité rougeâtre, rappelant qu'un jour, de la vie existait et qu'à présent, elle s'était éteinte. Peut être allait-elle se rallumait si quelqu'un soufflait sur ses braises encore chaudes mais bon, ceci était une autre histoire ...

Son corps s'approchait de lui, avec tout ce sang, ce délicieux liquide qui le maintenait en vie, ce précieux fluide inutile sans un cœur pour le propulser dans tous les endroits du corps afin d'y apporter de quoi subsister. Et ce cerveau ? Qu'était-il ? Un pont entre l'esprit et l'enveloppe charnelle ? Une mémoire ne possédant pas vraiment de volonté, écoutant ce qu'on lui dit ? Eh bien, ce n'est qu'un outil dont il faut savoir se servir sinon, il s'use et devient inutilisable. Et évidemment, pouvoir le réparer serait tellement plus simple, même si ça pourrait revenir à robotiser la personne le possédant.

Les souvenirs ne se perdent pas, ils s'enterrent, ils se rangent, ils se rangent mais ne disparaissent pas pour autant. Certes, il ne sont pas tous accessibles, peut être à cause du traumatisme qu'ils ont provoqué, peut être parce que ne pas s'en souvenir serait une meilleure solution, peut être est-ce inadmissible de les avoir mais on n'y peut rien, on est que ce que l'on construit, rien de plus, rien de moins. Certes, on peut être influencé quant à l'emplacement de certains rouages de cette grande machine, certes, on peut changer quelques appareils d'emplacement pour modifier l'ensemble mais tout cela n'est qu'en apparence, les gens ne changent pas même si on pourrait le croire.

Ce cou, ce sang, le vampire qui était en lui voulait y goûter mais la part qui restait légèrement humaine préférait repousser cet être cher afin d'éviter de lui faire du mal. Mais, eh oui il y a et aura toujours un "mais", il restait l'avis du corps du jeune homme qui semblait favorable à l'être vampirique. Après tout, cette option lui permettait d'assurer au mieux ses fonctions alors il était préférable de la choisir. Dans sa grande bonté, le vampire laissa du temps à l'humain pour qu'il puisse s'exprimer, pour qu'il puisse parler à Lyz, pour qu'il puisse ressentir qu'il était encore vivant.

Elle pleurait, en enlaçant Masaki, elle pleurait. Doucement, pour ne pas brusquer son corps, il leva la main et commença à caresser les cheveux de son amie. Un sourire animait ses lèvres, même si elle ne pouvait pas voir celles-ci. Il n'avait plus froid, la chaleur que dégageait la vampire suffisait à l'empêcher de ressentir des frissons toutes les trois secondes. Quelle agréable sensation dans de désagréables circonstances, pourquoi avait-elle attendu qu'il soit en manque pour le faire ? Elle qui possédait si peu de défauts, pourquoi ne lui avait-elle pas donné cette chaleur plus tôt ?

-Fais-le.

Il se résigna, si elle voulait vraiment qu'il le fasse, il allait le faire, juste pour la servir.

-Bien, si cela peut tant te soulager de cette dette qui n'est réelle que dans ton esprit, si ceci peut simplement te faire plaisir, je le ferai. Même si je préférerai ne pas le faire, ce n'est pas comme si tu me donnais le choix.

Doucement, l'humain se retira laissant le vampire faire le sale boulot. Celui-ci repoussa légèrement le peignoir de la jeune fille qui cachait son cou et il passa sa langue à l'endroit où il allait mordre. Sa peau était douce, même s'il ne s'attarda pas sur ce simple fait. Il dévoila ses crocs et mordit Lyz. Lentement, il buvait son sang, redécouvrant ce doux parfum fruité que cachaient ces veines. Une fois qu'il eut assez bu, il retira ses longues canines du cou et laissa place à la part humaine du jeune homme. Celui-ci lécha vigoureusement la plaie jusqu'à ce qu'elle paraisse propre et il enlaça à son tour la jeune femme. La tête du rouquin se posa sur l'épaule de la brune.

-Pour tout te dire, je considère l'avoir déjà fait et donc que je suis capable de le refaire. Et puis, si une folie meurtrière te reprend, je te donnerai simplement mon sang en te murmurant des mots doux pour te calmer.

Sa respiration était parfaitement calme et lui était détendu si bien qu'il bailla, signe de fatigue.

-De quoi voulais-tu me parler avant que je ne t'interrompe impoliment ?

La morsure de Masaki fut un immense soulagement pour Lyz. Elle se sentait un peu mieux à présent que c’était fait. La douleur que ça lui infligea fut un soulagement plus grand encore. Peut-être n’était-ce pas grand-chose, mais elle avait au moins la sensation d’œuvrer au remboursement de sa dette. Peut-être que son compagnon vampire ne lui tenait en rien rigueur de ce qu’elle avait fait, mais elle ne pouvait faire autrement que de culpabiliser.

-Non. Je n’ai pas à m’approprier ton sang, je l’ai fait une fois, je ne veux pas recommencer. Cette folie s’est emparée de moi si bien que la seule chose dont je me souviens est de m’être agenouillée au dessus de toi pour te mordre. La suite je l’ai perdue. Tout ce que je sais, c’est que j’avais le goût de ton sang dans la bouche au réveil…

Masaki bailla. Il devait être exténué malgré le sang qu’elle lui avait donné…

-De quoi voulais-tu me parler avant que je ne t'interrompe impoliment ?

Lyz réfléchit un court instant avant de se remémorer cette idée qui lui parcourait la tête depuis un moment déjà. Comment allait-elle formuler la chose ? elle était consciente de ce qu’elle était prête à demander, et elle était aussi consciente du sacrifice qu’il faudrait faire si d’aventure Masaki acceptait. Et puis, rien ne lui disait qu’il accepterait ? Rien n’était moins sûr…

-Et bien… à vrai dire… voilà : tu es poursuivi, on veut ta peau. Tout le monde sait pertinemment où se trouve ton manoir. De mon côté, ce n’est pas mieux. On apprendra forcément un jour que l’endroit où s’est rendu l’homme que j’ai tué pour la dernière fois était ton manoir. Je pense partir. Je ne sais pas où ni combien de temps, mais je pense que c’est le mieux. Nous devons fuir pour éviter que des personnes qui ne le méritent pas meurent, nous devons fuir pour éviter de mourir…

Elle marqua une pause. Elle avait conscience de mal exposer les choses et du fait que son discours n’avait rien de bien convainquant, néanmoins, elle osait encore espérer . Elle espérait échapper à la solitude, elle espérait ne pas se retrouver seule une fois de plus, mais elle espérait que ses sentiments étaient partagés.

-Je ne sais pas si tu comptes partir avec moi, ni même si tu comptes partir tout court. Il me semble juste que c’est la meilleure solution.

Elle se redressa doucement et regarda Masaki dans les yeux, tout en laissant ses bras autour de lui.

-Oui, j’en suis sûre à présent…

Le visage de Lyz s’approcha lentement de celui de son compagnon. Elle devait être franche à présent, elle devait assumer ses sentiments. Tant pis si les choses se passaient mal, il n’y avait selon elle aucun moyen d’être plus claire. Une nouvelle fois, ses lèvres se posèrent sur celles de Masaki. Elle se souvint de cette fois où il lui avait dit ne pas être prêt. Ne l’était-il toujours pas ? elle le saurait bientôt. Des frissons glissèrent tout le long de son corps alors que l’étreinte de ses bras se resserrait, blottissant son compagnon contre son cœur. Elle espérait vraiment qu’il accepterait ce baiser, mais elle espérait plus encore qu’il partît avec elle, loin. Loin des problèmes et des soucis, loin du danger permanent qui régnait dans son manoir. Loin de tout, seuls, tous les deux.

C’était un rêve plutôt qu’une ambition, mais elle l’espérait vraiment. Elle était si bien avec lui ! deux larmes de bonheur coulèrent le long de ses joues. Son cœur redevenait sentimental, il reprenait peu à peu ses droits sur le cœur de pierre de la femme trompée qui s’empare de la vie des autres pour les punir du mal qu’une seule personne lui avait fait.

[désolée, c’est court, mais j’ai vraiment pas le temps en ce moment… Je suis humaine, je ne fais que ce que je peux. ♥ Je t'aime mon toutouw!]

-Et bien… à vrai dire… voilà : tu es poursuivi, on veut ta peau. Tout le monde sait pertinemment où se trouve ton manoir. De mon côté, ce n’est pas mieux. On apprendra forcément un jour que l’endroit où s’est rendu l’homme que j’ai tué pour la dernière fois était ton manoir. Je pense partir. Je ne sais pas où ni combien de temps, mais je pense que c’est le mieux. Nous devons fuir pour éviter que des personnes qui ne le méritent pas meurent, nous devons fuir pour éviter de mourir…

Sa peau ? Non, certes il était poursuivi mais personne ne voulait le tuer. Pourquoi ? Car si ça avait été le cas, il serait déjà mort depuis longtemps. On ne l'aurait pas enlevé, on l'aurait simplement tué mais non, on les avait enlevés, tous les deux et on les avait maintenus en vie, ce n'était pas du au hasard. Leur but n'était simplement pas de les tuer. Peut-être voulaient-ils les faire souffrir, peut-être voulaient-ils tirer quelques informations d'eux, peut-être voulaient-ils les étudier à cause de leur condition de vampire ... Mais une chose était sûre, ils n'allaient pas mourir enfin, pas tout de suite ...

Fuir ? Elle voulait donc fuir ? Passer le restant de sa vie à se cacher, ne s'attachant à rien ni personne ? Elle avait de si grands pouvoirs et elle préférait se retirer devant l'ennemi ... C'était incompréhensible, elle était si forte et voulait se cacher devant eux ? Il fallait au moins découvrir ce qu'ils leur voulaient ... Cela leur permettrait de mieux leur échapper ou même de les piéger afin de les vaincre plus facilement mais la fuite n'était pas une très bonne option ... Ils ne seraient débarrassés de personne, ils ne feront que s'échapper furtivement sans passer très longtemps au même endroit. Cette vie ne lui plaisait pas.

-Je ne sais pas si tu comptes partir avec moi, ni même si tu comptes partir tout court. Il me semble juste que c’est la meilleure solution.

La meilleure solution ? Eh bien, qu'était donc la pire ... Peut-être était-ce de faire brûler le laboratoire tout en restant à l'intérieur ... Ou bien pourraient-ils sauter du haut d'un pont pieds et poings liés par des chaînes en acier ... Ou même pourraient-ils sauter du haut du 312ème étage d'un immeuble ... Quelles bonnes idées ! Masaki surprit le regard de son amie, il lui sembla rougir légèrement.

-Oui, j’en suis sûre à présent…

Doucement, le visage de la jeune fille s'approchait de celui de son compagnon. Inconsciemment ses yeux se fermaient lentement jusqu'à ce qu'ils se soient complètement fermés. Un frisson parcourut le jeune homme quand ses lèvres touchèrent celles de la vampire. Sa température montait, il le savait pertinemment mais ne pouvait pas se détacher de cette étreinte. Il ne le voulait pas vraiment même s'il n'était pas digne d'être dans cette position. Ses pensées, tout comme son corps, étaient figées. Il ne pouvait pas penser, il ne pouvait pas réfléchir, il ne pouvait pas revoir quelque souvenir.

Ses bras ... Ils bougeaient tous seuls ! Enlaçant Lyz, la collant à lui. La dernière fois, il avait dit ne pas être prêt mais là, il ne l'était pas plus enfin, c'est ce qui lui semblât pourtant, son corps ne se détachait pas du sien, ses lèvres ne se détachaient pas des siennes, il ne reculait pas. Il se réchauffait, blotti contre sa vampire. "Sa" ? Pourquoi cette marque de possession ? Elle ne lui appartenait point ! Elle était libre tout de même, libre de se détacher de lui, libre de s'enfuir en le laissant malade dans cette pièce, libre de le mordre et de le vider de son sang mais ... Elle ne le faisait simplement pas.

Cet amour, était-ce une forme d'égoïsme ? S'attacher à de la nourriture ? Non, sinon il n'aurait pas refusé son sang si elle n'était que de la nourriture. Protéger la personne que l'on aime, ce n'est que de l'égoïsme, on la protège car sa vie nous est chère. Et les actes humanitaires ? Qu'est-ce donc ? De quoi se vanter bien sûr ! Ces humains font de tels gestes pour pouvoir dire qu'ils les ont faits. Ou bien même, pour avoir bonne conscience, encore une émotion idiote de la race humaine. Sauver la vie d'autres personnes hein ? Pour éviter de regretter de ne pas l'avoir fait voyons, l'Homme ne vit que pour lui-même, c'est bien connu.

Et sinon, qui s'occuperait de lui ? La Terre ? Tout cela est ridicule, la Terre n'est qu'une planète tournant autour d'une boule de feu géante qui lui explosera tôt ou tard à la figure pour ne laisser qu'un tas de cendres. Les animaux ? Mais eux ne font que survivre et perpétuer leur race, rien de plus, du pur instinct et rien d'autre. Les plantes ? Arrêtons avant de tomber dans le grotesque, elles ne font que prendre ce qui est à leur disposition à savoir de l'eau des rayons du soleil et de l'air afin de survivre. Tout un cycle ce monde, un cycle qui a amené l'Homme à naître. Ne se considère-t-il pas comme le sommet de l'évolution, l'être le plus puissant ayant le droit de tuer ses confrères bestiaux, ayant le droit de déraciner les végétaux sans aucune raison ? Pour le plaisir ? Pour la puissance ?

Et en plus les "scientifiques" soulèvent des faits datant de bien avant leur race en criant sur les toits que c'est un problème, qu'ils doivent agir, en inventant d'autres objets et méthodes de confection aussi inutiles que superflus. Ah le réchauffement climatique, la Terre se réchauffe et se refroidit depuis sa création, suivant des cycles, causant ainsi, par exemple, une ère glaciaire. Il ne faut pas chercher à éviter l'inévitable, la Terre sera détruite, que ce soit par l'Homme ou par l'explosion du soleil, elle ne sera plus.

Leurs lèvres se détachaient, tout comme leurs deux corps. A moins que ce ne soit Masaki qui, doucement, poussait sa partenaire. Sa gorge lui brûlait, il se demanda si quelque flamme n'était pas en train de la consumer ... De sa main droite, il se tint la gorge et il toussa fortement dans sa main gauche. Il sentait son sang se plaquer contre la paume de sa main et passa quelques minutes à le cracher ainsi. Lentement, il releva la tête, s'apercevant que ses yeux étaient à moitié fermés et qu'il voyait légèrement trouble. Il ouvrit la bouche, espérant que quelque son en sorte.

-Ma peau ? Non, s'ils voulaient m'ôter la vie, je ne serai plus là depuis un petit moment déjà. Fuir, cette idée ne me plait guère, toi, qui as de si grands pouvoirs, tu préfères te retirer plutôt que de savoir ce que veulent ces personnes ?

Il toussa à nouveau, dans sa main gauche qui était déjà bien rougie. Un léger filet de sang glissait entre les lèvres du jeune homme pour couler jusqu'à son menton et y rester suspendu jusqu'à ce qu'il y en ait trop et que cette quantité l'oblige à tomber. Sa tête se cala contre le mur, sa vue se troublant. Il tourna la tête, de façon à pouvoir voir à sa gauche et il aperçut une forme blanche, elle se levait. Était-ce son imagination qui lui jouait des tours ? Ses yeux étaient à présent aux trois-quarts fermés, il ne voyait plus la tête ni même le cou de la jeune fille.

Quelque chose effleura sa joue, ou bien était-il enfin devenu fou ... Il entendit même une voix qui lui semblait assez familière sans qu'il arrive à savoir à qui elle appartenait. Ce n'était pas vraiment la voix de Lyz. Était-ce des hallucinations ? Ou bien était-il à nouveau hanté par son passé ... Toujours est-il que ses yeux se fermèrent complètement, que sa bouche resta entrouverte et qu'il s'endormit malgré lui. En vérité, une force étrange l'avait trainé jusqu'au sommeil, c'était une sensation nouvelle. Il avait senti un immense pouvoir pénétrer son corps, surtout son esprit, et lui chuchoter doucement, l'envoûtant, l'amenant à dormir.

-Mon pouvoir…

Lyz eut un léger rire. Elle baissa le regard.

-Mon pouvoir… qu’en as-tu vu ? Tu ne sais rien de lui. Mon pouvoir est certes très puissant, mais je ne veux pas m’en servir, ou le moins possible. Avant ce n’était pas vrai, mais à présent les choses ont changé.

Lorsqu’elle releva les yeux, la vampire vit le regard trouble de Masaki fixé sur elle. Puis il sombra dans un profond sommeil. Pourquoi l’avait-il regardée comme ça, avec cet air empli de doute, voire presque effrayé ? Elle se retourna. Le corps d’Anabelle était toujours là. Elle s’avança vers le cadavre et le mit sur le dos. Là, elle recula en poussant un léger cri : le corps était en voie de décomposition avancée ! Il ne tarderait pas à devenir poussière, si il continuait sur ce rythme.
Que se passait-il ? Il était alors impossible de le dire, ni de le savoir.

Lyz se redressa et eut un rire satisfait de petite fille gâtée. Elle savait connaître ce gloussement, mais elle ne savait plus d’où. Elle retourna au chevet de Masaki et vit alors la trainée de sang qui coulait sur son menton et le long de son cou. Elle eut un nouveau gloussement et elle grimpa sur le lit, enjamba le vampire et posa sans délicatesse son postérieur sur le ventre de Masa. Elle posa une main de chaque côté de sa tête et lécha le sang. Elle le lécha, certes, mais pas comme elle avait auparavant léché la blessure au cou, non. Elle le lécha avidement, goulument. Et quand elle eut fini, elle approcha sa bouche de la peau délicate et s’emplit les poumons de son odeur. Elle souleva le corps inerte de son ami dont la tête, ballante, tombait en arrière. Dans son sommeil sa bouche s’ouvrit. Lyz eut de nouveau ce gloussement inhabituel et elle s’apprêta à mordre dans la chair, quand soudain…

Elle repoussa violemment le corps de Masaki cotre l’oreiller et s’en éloigna le plus vite possible. Elle se blottit dans un recoin de la pièce , le genoux repliés contre elle. Qu’avait-elle été sur le point de faire ?
Elle avait reconnu le gloussement pour l’avoir entendu peu de temps auparavant d’une bouche autre que la sienne. Voilà qui expliquait peut-être l’état de décomposition du cadavre. Anabelle continuait-elle de vivre en elle ? Leurs âmes s’étaient-elles mélangées ?

Lyz resta pétrifiée dans son coin pendant longtemps. Puis, au bout d’un moment, elle se releva, administra ses médicaments au vampire et prit sa température. Celle-ci avait nettement baissé, ce qui était bon signe. Une fois de plus, elle eut un gloussement et voulut mordre dans la peau si douce, si attirante et appétissante du jeune homme. Réprimant un sanglot, elle s’enfuit en courant. Elle n’atteignit pas la porte de sortie du laboratoire. Elle perdit connaissance avant.

Un combat se déroulait en elle, et elle n’était pas sûre de l’emporter…

[Bouh que c'est court!!! M'enfin, tu as une réponse, j'espère que tu es heureux mon toutouw ♥]

Ce sommeil forcé ne le perturbait que trop peu, ça l'effraya presque. Bien sûr, ce n'était pas n'importe quelle personne qui l'avait entraîné dans les bras de Morphée mais il se refusait de croire que Lyz ait pu faire telle chose. Ou bien l'avait-elle pour son bien, pensant qu'il avait besoin de repos. Malgré cet étrange repos, il ne demeurait pas vraiment endormi, il sentait tout de même de vagues sensations telles que l'impression de sentir le corps de la vampire s'éloigner. En réalité, c'était plutôt comme si tous ses membres étaient paralysés et que ses sens étaient en grande partie brouillés.

Avait-il vraiment vu le cadavre se lever ou bien avait-il rêvé ... ? D'après le peu de ce qu'il pouvait entendre, aucun signe de combat ne paraissait il avait donc sûrement rêvé. L'angoisse causée par cette jeune femme l'avait perturbé, c'était indéniable mais au point de le faire halluciner, cela semblait irréel. Il se demandait quand cet étrange état disparaitrait mais, apparemment, la réponse n'allait pas lui apparaitre ce qui lui sembla légèrement normal. Il verrait bien au moment où il reprendra l'usage de son corps et de ses sens.

Il sentit quelque chose se poser, sans aucune délicatesse, sur son ventre. Était-ce Lyz ? Quelques doutes chassèrent cette idée, la jeune femme aurait été plus douce, elle n'aurait pas fait tel un éléphant tombant maladroitement sur son postérieur. Elle, elle aurait eu la délicatesse de déposer lentement son postérieur sur le ventre du jeune homme et elle aurait veiller à n'appuyer que très peu sur celui-ci pour éviter tout malaise de la part de l'aristocrate. Alors, qui cela pouvait-il bien être ? Elle n'aurait laissé personne lui faire de mal et il le savait bien.

Quelque chose d'humide nettoya le menton et le cou du vampire. Il ne savait pas ce que cela pouvait être, ce n'était pas comme quand Lyz léchait le sang coulant de quelque morsure qu'elle lui aurait faite, c'était plutôt comme un animal suçant avidement le sang d'un autre simplement car cet horrible goût l'attirait fortement. Il sentit un souffle sur la peau de son cou qui était nue à ce moment. Il ne sentait aucune odeur, il n'entendait aucun son, seul ce contact apparaissait à travers le brouillard qui emprisonnait son corps et son esprit.

On le repoussait, cela ne pouvait pas être Lyz, il en était absolument convaincu. Mais pourquoi quelque personne ferait tel geste ? Aucune raison ne paraissait valable au vampire il conclut donc avec regret que ce n'était pas n'importe qui qui avait fait ceci. Malheureusement, si la jeune fille avait eu faim et qu'à cause de son instinct, elle avait tenté de le mordre mais qu'elle avait repris ses esprits juste avant de planter ses crocs dans la peau du jeune homme, cela paraissait logique ...

Un moment passa. Étrangement, il percevait mieux les sons et les odeurs peut être qu'il reprenait peu à peu le contrôle de ses sens mais son corps ne semblait toujours pas vouloir bouger. Cela n'allait sûrement pas tarder, il lui faudrait simplement patienter un peu plus. Mais, depuis combien de temps était-il dans cet état ? Il n'avait plus aucune notion du temps qui s'écoulait ... Cela posait problème s'il n'avait aucun signe de Lyz car, s'il se passait trop de temps, il aurait besoin de sang à son réveil et elle préférait lui donner le sien donc c'était mieux qu'elle reste à ses côtés.

Peu à peu, il sentit qu'il pouvait à peu près bouger il ouvrit donc les yeux. Sa vision était troublée, il voyait le plafond de la salle où Lyz l'avait alité. Il ne savait si cette illusion se précisait puisque l'uniformité du plafond ne laissait paraître aucun trait ... Il se redressa donc et s'aperçut la porte grande ouverte. L'odeur de la jeune fille s'estompait peu à peu il se leva donc et se rendit compte que son corps était raide. Malgré cela, il commença à courir à travers les couloirs du laboratoire pour retrouver sa bien-aimée.

Il la trouva à un angle formé par un des couloirs. Doucement, il souleva le jeune homme s'apercevant qu'il était toujours en peignoir. Cela le gêna quelque peu alors il se mit en quête de vêtements tout en portant Lyz. Sur le chemin qui le menait à la chambre d'où ils venaient, il trouva une salle remplie de plusieurs vêtements. Il déposa la vampire dans un grand fauteuil et commença à regarder quels vêtements pourraient lui aller. Il trouva une chemise blanche avec une veste brune et un pantalon assorti à la veste. Il laissa tomber le peignoir et commença à s'habiller ayant également trouvé des sous-vêtements à sa taille. Il jugea inutile de mettre des chaussettes si bien qu'il resta simplement pieds nus.

Reprenant son aimée dans ses bras, il retourna à la chambre et allongea Lyz dans le lit en veillant à la couvrir. Tournant les yeux pour trouver l'origine d'une odeur épouvantable, il vit le cadavre se décomposant à une allure inquiétante. Sortant son briquet et ouvrant la fenêtre, il fit brûler cette immondice et attendit que la fumée aille polluer l'extérieur. Après quelques minutes d'ouverture, l'odeur avait disparu et le jeune homme alla aux côtés de la jeune femme, s'asseyant sur le lit à côté d'elle qui était couverte des draps.

Tout était noir autour d'elle. Elle ne voyait rien, strictement rien. L'obscurité l'entourait, la menaçait, la noyait. Elle était allongée, dans l'eau, dans le froid, perdue. Elle n'avait aucune idée du lieu où elle se trouvait, ni de pourquoi. Tout était seulement noir et froid, silencieux. Le silence... omniprésent, il en était assourdissant. Rien, le vague, le vide, voilà où elle se trouvait. Seule, aussi. Elle était seule.

Le silence était filtré par l'eau qui lui entrait dans les oreilles, si bien qu'elle se sentait vidée. D'ailleurs, où s'arrêtait cette eau glaciale? Elle était transie de partout, cela, elle le savait. Mais où s'arrêtait l'eau, où commençait l'air? Pouvait-elle seulement respirer? Allait-elle mourir? Était-elle déjà morte? Avait-elle déjà vécu?

Et son identité? Quel était son nom? Qui était-elle? Qu'était-elle? Était-elle seulement autre chose que cette conscience qui débattait seule dans l'obscurité?

Un léger bruit se fit entendre, atténué par l'eau omniprésente. Elle se redressa, prenant ainsi conscience de son corps et de la faible profondeur de la nappe glaciale qui la trempait. Elle guetta avec attention l'origine du bruit qui ne se faisait alors plus entendre. Elle se leva, tant bien que mal, le corps glacé par l'eau qui trempait ses vêtements. De fait, ces derniers étaient différents de ce qu'ils étaient d'habitude.

Dans le plus pur style lolita, sa robe était blanche. Toute simple, elle s'arrêtait à mi-cuisse et était ornée uniquement d'un ourlet noir et d'un ruban élégamment noué dans les cheveux. Ceux-ci aussi avaient changé. Ils étaient au contraire de son ruban, du blanc le plus pur, aussi pur que celui de la robe élégante qui à présent lui collait à la peau.

Elle savait avoir changé, mais elle ne savait pas ce qu'elle était avant, ce qui, en soi, était assez troublant.

Elle avança dans le noir -comment avait-elle fait pour voir ses habits, d'ailleurs?- ne prenant pas la peine d'ouvrir les yeux. Elle guettait le bruit, cherchant sa provenance, espérant le retrouver. Ce son, lointain, incertain, était tout ce qu'elle avait, son seul repère. Elle le cherchait, se raccrochant désespérément à lui, comme si elle eût su qu'il était sa seule chance, la seule chose qui pouvait la sauver.

Elle l'entendit de nouveau, comme un refrain qui revenait régulièrement, ce bruit qu'elle sut identifier sur l'instant, ce bruit qui venait de sa droite. Une goutte d'eau tombant sur le miroir glacé qui se trouvait à ses pieds. L'écho reproduisit cette sonorité à l'infini, la faisant arriver de partout et de nulle part à la fois. Elle continua néanmoins d'avancer, droit devait elle, espérant arriver à l'origine du bruit, à l'épicentre sonore qui l'intéressait.

Elle avançait depuis longtemps. Elle ne savait plus si elle devait compter en minutes, en heures ou en jours, mais elle savait qu'elle avançait depuis un long moment. Soudain elle sut qu'elle devait s'arrêter. Elle ouvrit les yeux.

Malgré l'obscurité, elle vit cette personne face à elle. Un miroir? Non. Mais cette ressemblance entre elles était affolante. Elle savait alors qu'elle même était l'autre, son contraire habillé de rouge et aux cheveux bruns, cette personne aux traits fins, doux, agressifs et sadiques à la fois. Elles n'étaient qu'une seule et même entité, deux personnalités opposées, l'une animée d'amour et de justice, l'autre emplie de haine et d'envie. Elles n'étaient qu'une, mais pourtant, l'une d'entre elles devait disparaître.

D'un même geste, elles tendirent la main droite vers le cou de leur opposée, lentement, concentrant leur force et s'affrontant du regard. Ce regard... exactement le même. Rouge, cerclé de noir, brillant de haine, de désir et de détermination. Elles saisirent chacune le cou de l'autre, joignirent la main gauche à la première, et serrèrent. L'air lui manquait, autant qu'il manquait à l'autre. Qui allait survivre, gagner, vaincre, qui prendrait possession du corps?

Elle savait que, plus encore que le corps pour lequel elles se battaient, elle savait qu'elle avait une autre raison de se battre, de vaincre cette femme brune qui était elle sans l'être.

* * *

Le lit bougea. Ou plutôt elle bougea. C'était un mouvement léger, à peine perceptible. Avait-elle gagné? Oui, ce devait être cela, bien qu'elle n'eût aucun souvenir de la fin du combat, lent et pourtant passé plus vite que tout ce qu'elle avait vécu jusque là.

Elle dormait depuis longtemps, deux jours, au moins, et elle prit le temps avant de faire le moindre geste. Respirer était une souffrance sans nom, alors qu'en était-il des autres mouvements qui demandaient tellement d'efforts en plus... alors elle resta, étendue sur le dos, ne cherchant pas à avoir conscience de quoi que ce fut, hormis sa respiration régulière, douce berceuse qui l'endormait peu à peu. Elle se savait là, dans la lumière qui perçait ses paupières closes, plus seule, peut-être même plus jamais seule.

Inconsciemment, elle se tourna et prit la position du foetus. Elle vivait, elle se savait en vie, elle allait renaître et partir, loin de tout, loin du danger et des menaces. Peut-être serait-elle heureuse, aussi. Peut-être...

Une respiration saccadée, une autre paisible. Des yeux remplis d'effroi, d'autres yeux doucement fermés. Des mains tremblantes et d'autres posées sur un tendre matelas. Que de contrastes dans cette chambre. Dans un coin un jeune homme tremblant pour quelque raison et dans un autre une belle jeune demoiselle dormant paisiblement tout ceci dans un laboratoire perdu dans les rues de New York, quelle étrange scène !

Malheureusement, ce jeune homme n'était pas un simple humain du moins sur le plan génétique. Il était légèrement modifié par quelque savant fou ayant des raisons trafiquées de mener ces expériences à bien. Peut être avait-il été découpé en morceaux afin que ces monstres changent quelques éléments à l'intérieur de son corps pour lui donner des pouvoirs plus étranges que leur possesseur.

Pourquoi tremblait-il ce vampire ? Avait-il froid ? Avait-il peur ? Non, ces raisons seraient bien trop insignifiantes pour lui, derrière ces tremblements se cachait un être abject, un monstre qui avait vu le jour alors que Masaki aurait dû mourir ou peut être bien avant ... Certains auraient dit qu'il était schizophrène mais lui ne pensait pas ainsi, il pensait simplement qu'il était un monstre assoiffé de sang.

En vérité, cette "autre personnalité" s'était développée chez lui à cause de son addiction au sang qu'il avait découvert d'une manière bien banale. Peu à peu, ce démon s'était développé en lui, il avait grandi et il avait commencé à s'emparer peu à peu du jeune homme lors de ses crises de manque de sang.

La douleur l'avait envahi depuis près d'un jour alors qu'il attendait le réveil de son amie. Les quelques mouvements qu'elle faisait pendant son sommeil pouvaient faire penser qu'elle était en plein rêve mais de quoi pouvait-elle rêver ? Malheureusement, le jeune homme n'avait pas assez d'informations sur elle pour répondre à cette curieuse question.

Son cœur été comprimé par une force invisible alors que le tonnerre résonnait longuement dans sa tête et que des gouttes de sang inexistantes entravaient sa vue. Il luttait contre ses démons mais ne pouvait les contenir trop longtemps car plus le temps s'écoulait, plus ces démons se renforçaient et le faisaient souffrir en décorant ses pensées d'horribles souvenirs qu'il aurait tant aimé effacer.

Une deuxième nuit tombait et la pièce s'assombrissait, seuls les rayons de la lune éclairaient le sol terne. Le bâtiment était trop paisible pour un laboratoire dans lequel des scientifiques menaient des expériences sur ces sujets sortant de l'ordinaire, n'allaient-ils pas tenter de reprendre possession des lieux ? N'allaient-ils pas essayer de récupérer ces précieux cobayes vampiriques ?

Il ne pouvait rester recroquevillé ainsi, il devait s'éloigner de Lyz pour éviter de la mordre. Il se leva avec plus de peine que si un aveugle avait tenté d'apercevoir un objet au loin. Il commença à marcher afin de sortir de la pièce et partit découvrir les autres endroits du laboratoire. A chaque pas ses deux jambes semblaient s'arracher, à chaque pas ses deux bras semblaient manquer de tomber, à chaque pas sa poitrine subissait une explosion nucléaire.

Une odeur humaine vint chatouiller les narines du vampire et il laissa sa faim l'emporter sur sa conscience. Ses yeux s'animèrent d'une lueur folle et son corps sembla s'élancer seul vers une porte qui était restée fermée. Sans délicatesse aucune, il traversa la porte faisant voler les morceaux de bois et aperçut un groupe de scientifiques devant une sorte d'écran gigantesque montrant des analyses d'ADN de quelque créature.

Sans se poser de question, il attrapa l'humain le plus proche et le vida de son sang en quelques secondes puis le corps inanimé tomba sur le sol. Les deux autres scientifiques furent tués de la même manière et le dernier parvint à fuir alors que ses compagnons étaient en train de mourir. Le vampire se lança à sa poursuite et parvint à le rattraper avec une facilité déconcertante. Ce dernier savant mourut rapidement et le jeune homme se sentit enfin rassasié.

Après avoir repris quelque peu le contrôle de son corps, Masaki retourna dans la salle où il avait trouvé ces réserves de nourriture et il vit des notes inquiétantes. A priori, ce laboratoire était commandé par un homme qui semblait extrêmement puissant vu que même la jeune femme aux yeux rouges avait peur de lui. Selon certains documents, leur chef aurait demandé personnellement qu'ils attrapent les deux vampires ...

Ils ne devaient pas rester ici sinon ils seraient capturés à nouveau. Effrayé, il retourna auprès de Lyz mais malheureusement, à son arrivée, il y avait déjà deux hommes dans la pièce qui semblaient l'attendre. Serrant les dents, il chercha son briquet mais ne le trouva pas. Il devrait combattre à mains nues il n'avait donc que très peu de chance de sortir vainqueur de ce combat.

Le plus grand homme dit à l'autre qu'il se chargeait "du roux" tandis que son collègue souleva la jeune femme. Énervé, le roux se précipita au secours de son amie mais l'autre ennemi lui barra le chemin. Il recula et se demanda s'il pourrait utiliser son instinct de vampire pour décupler ses forces et tuer ces personnes mais il ne parvint pas à faire appel à ce démon.

Il sentit l'un des hommes se glisser derrière lui et ses mains trop musclées attrapèrent vivement le cou du roux. Il tenta de se débattre mais ne put rien faire, il était bien trop puissant pour lui. Doucement, les mains de l'homme se serraient sur le cou de Masaki et il commença à manquer d'air. Sa vision se troublait alors qu'une forme sortait par la fenêtre en portant Lyz. Ses yeux se fermaient alors qu'il perdait connaissance ...

Elle se sentait bouger. Elle ne voulait pourtant pas le faire. On la faisait donc bouger. Elle sentait des mains peu délicates l'agripper et la transporter en la ballottant. Elle ouvrit un œil qui lui sembla ensablé, tant il était empreint de sommeil. Elle vit alors un homme imposant à la mâchoire carrée, le regard dépourvu de toute expression et marqué par le vide qui régnait derrière. Ah non! Elle était portée par une brute, elle? Non, non, non, cela n'allait pas du tout! Où était son élu? L'avait-il minablement refourguée à cette bête? Non, elle n'allait pas l'admettre. Elle ouvrit faiblement son deuxième œil et regarda de côté. Il y avait une autre bête du même genre qui allait devant eux, sur un chemin de terre entouré d'arbres, et il ne portait rien d'autre que deux énormes sabres plein d'entailles et de rayures, un dans chaque main. Il n'était pas là.

Elle ouvrit une bouche pâteuse, encore engourdie par le sommeil. Il fallait qu'elle parlât. Elle en avait besoin, c'était vital. Elle tenta d'émettre un son. Échec. Sa voix n'était pas même enrouée, elle ne sortait pas. Non, non, non, cela n'allait pas. Elle n'aimait pas cette situation de faiblesse. Il fallait qu'elle inversât la situation. Elle tenta faiblement de se débattre, ce qui n'eut pour unique effet que de faire baisser le regard de la brute sur elle et d'accrocher à son visage un sourire vide. Quelle horreur! Elle voulait que cette chose la posât et qu'elle pût partir en paix à la recherche de son élu.

Elle refit alors un effort pour parler, y engageant toute sa personne, tout son être, toute sa force. Elle devait le faire, c'était une question de survie. Elle le ferait et puis c'était tout.

-Stop.

L'homme-bête s'arrêta net, aussitôt imité par ses congénères (elle n'en avait vu qu'un, mais il y en avait cinq, tous les mêmes, en tout)elle n'avait pas perdu la main.

-Pose-moi au pied d'un arbre.

Les bras énormes et aussi poilus que ceux d'un gorille la déposèrent sans douceur au pied de l'arbre.

-Bien. Maintenant, penche-toi, que je puisse boire ton sang.

Un éclair de peur passa dans les yeux de la bête, mais il s'exécuta sans broncher. Il défit même l'écharpe qu'il portait pour l'aider et lui maintint le dos pendant qu'elle s'abreuvait. Elle sentait le sang, bestial, couler en elle, lui redonner la force. Il n'avait pas un goût très appréciable, mais restait assez riche. Quand elle eut fini, elle congédia la bête qui alla s'installer, chancelante, au pied d'un arbre.

Elle se leva sans trop de difficultés et jeta un œil à sa blessure. Du passé, il ne restait plus qu'une fine cicatrice qui allait bientôt disparaître. Pourquoi cet épuisement alors? Était-ce dû au combat intérieur qu'elle avait mené puis remporté? Peut-être.

Mais elle avait plus important à faire. Elle devait retrouver son élu.

Ce fut assez rapide. Un coup d'œil à la ronde lui avait été suffisant pour apercevoir une tignasse rousse dans les bras d'un homme-bête.

-Toi, fit-elle, parlant à l'individu. Pose délicatement ce jeune homme contre un arbre, j'ai dit délicatement, et fais-lui boire ton sang.

La bête s'exécuta docilement, mais le mot ''délicatement'' ne faisait visiblement pas partie de son vocabulaire. Peu lui importait, tant qu'elle retrouvait son élu.

Non loin du chemin de terre se trouvait un étang. Elle y alla en prenant soin de dire aux hommes-bête de ne pas bouger tant qu'elle n'était pas revenue. Une fois arrivée, elle se regarda dans l'eau comme dans un miroir. Elle n'était pas laide, mais pas spécialement jolie à son goût. Ses cheveux étaient trop bruns, ses yeux pas assez rouges et ses habits l'étaient trop. Pour commencer, elle enleva l'espèce de coiffe qu'elle portait. Elle se sentait déjà mieux.

Elle retourna aux arbres, retrouvant les hommes-bêtes qui, dociles, n'avaient pas bougé, sauf celui qui nourrissait son élu, puisqu'il exécutait son ordre.

Le vide l’entourait. Pas une lueur, pas un son, rien. Il n’était même pas sûr d’être présent, il ne sentait absolument rien. Pas plus le sol qu’il touchait de ses pieds nus que quelque présence. Pourtant, il y en avait forcément une quelque part car Lyz était à ses côtés mais où ? D’où le soutenait-elle dans cette pénombre glacée ? Où était sa douce présence qui réchauffait le cœur du jeune vampire ?

Nulle part. L’obscurité était totale et sa présence imperceptible. Elle ne pouvait pas l’avoir abandonné de son plein gré, il n’y croyait point alors pourquoi était-il seul ? Les avait-on séparés ? Possible, elle était en train de se reposer, peut être que d’inconnus ennemis en auraient profité. Il marchait, ses pieds reposant sur un sol inexistant, ses propres mains restant invisibles à ses yeux. S’il avait eu un miroir en face de lui, il n’aurait même pas aperçu son reflet à cause de l’obscurité mais … Si malgré la pénombre, il arrivait à distinguer quelque forme, reconnaîtrait-il son visage ?

Son visage … Quel était-il ? Il l’avait oublié ou bien peut être ne l’avait-il jamais su. Il avait certainement tant changé qu’il ne pourrait plus le reconnaître. Enfant, son visage était expressif, il montrait autant sa peine que sa joie mais en grandissant, ces émotions furent de moins en moins visibles jusqu’à disparaître. Il les gardait pour lui ces sentiments et préférait les ignorer que les laisser le dominer, ils étaient si futiles …

Son corps heurta le sol avec une délicatesse infinie … ou pas … En réalité, il pensait bien s’être fait plusieurs bleus au niveau du dos … Peinant à ouvrir, les yeux, il ne vit qu’une chose marron qui s’approchait de lui. Il ne parvenait pas à distinguer les contours de ce monstre qui semblait dévoiler docilement son cou au vampire. Faiblement, le jeune homme planta ses crocs dans la gorge de la bête et commença à boire ce sang répugnant. C’était un loup-garou qui lui fournissait son sang, l’horrible goût de celui-ci le lui indiquait.

L’animal s’effondra et laissa place à une lumière qui éblouit les yeux endormis de Masaki. Il frotta son œil gauche à l’aide de sa main gauche espérant atténuer ce désagréable soleil. Quelques minutes s’écoulèrent, le temps que ses yeux se furent habitués à cette lueur et il observa les alentours. Un chemin de terre passait devant lui et quatre créatures étaient debout, elles semblaient attendre. Le jeune homme tenta de se lever, il vacilla et s’appuya à l’arbre qui se trouvait derrière lui un peu plus tôt.

Il n’avait pas remarqué Lyz qui se trouvait à quelques mètres de lui. Il s’avança faiblement vers elle mais un bruit étrange parvint à ses oreilles. Il leva sa canne de bois et frappa une flèche en plein élan qui alla se planter dans le sol. Il soupira avant de se rendre compte qu’ils étaient encerclés par des monstres difformes. Brandissant son arme, il se prépara à un combat malgré son état qui laissait à désirer …

Autour du chemin, de petites collines. Grossière erreur. Elle avait fauté. Elle avait commis une erreur stratégique de taille, elle qui ne se laissait habituellement pas surprendre. Résultat ? Ils étaient encerclés et son rouquin, l'Élu, avait dû détourner une flèche qui le visait. Il l'avait frappée alors qu'elle lui arrivait dessus.

La colère monta subitement en elle, on avait osé toucher ce qui lui appartenait. Elle n'allait pas laisser passer cela comme ça. Elle se tourna vers les assaillants, plus particulièrement vers celui qui avait visé son vampire, un sourire aux lèvres. Ce n'était pas le genre de sourire qui réchauffait les cœurs, mais celui qui glaçait le sang. Il était grand, éclatant, carnassier, accompagné d'un regard fou, éclairé par une lueur assassine. Les masses informes, sans doute un mixe entre des démons et des chimères ratées, eurent un léger mouvement de recul, ce qui la fit sourire plus largement encore. Sa bouche, ce qui lui plaisait le plus dans son nouveau corps, s'anima.

-Ne bougez plus.

La trentaine de monstres se retrouva condamnée à l'immobilité. Certains eurent un visage paniqué, preuve de leur pointe d'intelligence, mais ils ne furent pas plus de cinq. Les autres, bien plus nombreux, n'eurent qu'une vague lueur d'incompréhension dans le regard. Pitoyable.

Elle se tourna vers son Élu qui, chancelant, se préparait au combat. Elle jeta un œil aux hommes-bêtes qui étaient à présent à son service et vit qu'il y en avait un étalé sur le sol. Peut-être était-il mort. Elle fit signe à l'une des créatures de donner son sang à son compagnon et aux autres d'aller tuer, une par une, les immondices qui les avaient attaqués, et qui étaient condamnés à périr sans avoir l'occasion de se défendre.

-Tuez, profitez-en pour vous nourrir, si le cœur vous en dit, mais tuez-les.

Elle s'installa au pied d'un arbre, regardant le spectacle des quelques individus, à présent entièrement transformés en Lycans, se partageant la boucherie. Elle s'aperçut alors qu'ils fonctionnaient comme une véritable meute, l'un d'entre eux étant en avant et se délectant, le premier, des meilleurs morceaux. Celui-ci serait son animal domestique. C'était décidé.

Un peu plus imposant, un peu plus intelligent que les autres, il agissait en meneur tyrannique, n'acceptant aucun écart, mordant presque autant ses compagnons que ses ennemis, les seules différences résidant dans la force mise dans la mâchoire et en l'endroit de la morsure. À choisir, elle ne savait pas vraiment si elle préférait lui être soumise ou être son ennemie. Une mort violente mais rapide, ou des souffrances toujours plus grandes, des plaies n'ayant pas le temps de se refermer...

Elle lui indiqua, quand il commença à tuer uniquement pour tuer, et plus pour se nourrir, de venir vers elle. Il lui lança un regard haineux avant de s'élancer à sa rencontre. Elle le fit se coucher à ses pieds, attendit un peu, et lui dit de reprendre forme humaine et de rester à genoux, dans une posture de soumission, afin que ses compagnons vissent qui était réellement le chef de meute, bien qu'elle n'appartînt pas à la même race.

Brun, cheveux longs attachés en catogan, peau pâle, yeux gris, il était presque aussi imposant sous sa forme humaine que sous celle de loup garou. Il était grand, très grand, et chacun de ses muscles étaient assez développés pour avoir une force immense, sans toutefois que ce fût laid.

-Je veux que tu m'obéisse, à moi et à moi seule, que tu me sois fidèle, que tu m'interroge avant de faire quoi que ce soit, qui te concerne toi, mais aussi ta meute. Je veux que tu pense à mon intérêt avant tout, que tu me conseille, sans toutefois afficher le moindre air de supériorité, je veux que tu me sois soumis, que tu me dise toujours la vérité, que tu réponde à toutes mes questions, que tu marche à ma gauche quand le jeune homme roux ici présent est à ma droite, et à droite quand il est à ma gauche, le reste du temps, tu marcheras à ma gauche. Je ne te laisse pas le choix, bien sûr. Tu es contraint d'obéir, et je ne prendrai même pas la peine de te menacer, parce que je sais que tu ne peux que me céder.

Le lycan, qui était resté à genoux, immobile, la tête baissée, écoutant attentivement le moindre mot, releva la tête, un étrange feu dans le regard et acquiesça. Après un signe de la vampire, il retourna au combat, et acheva la dernière créature, remettant par la même occasion de l'ordre dans ses troupes. Elle était assurée de sa fidélité, à présent.